Depuis Wendji le retour est envisagé par l’est du continent Africain !
Durant son premier terme au Congo, de janvier 1937 à janvier 1940, Victor entretien une correspondance régulière avec son cousin Jean VAN EECKHOUDT et sa Tante Henriette.
Installé à Wendji et employé par la SECLI, Victor va très rapidement s’investir dans plusieurs projets extra-professionnels.
Un projet particulier se démarque, celui de rejoindre la Belgique à moto par l’est du continent Africain à la fin de son premier terme au Congo Belge.
Ce projet ‘grandiose’ Victor le développe avec son collègue et camarade Léon GEURTS.
Les lettres adressées à son cousin Jean vont permettre de découvrir les préparatifs de ce raid à moto digne d’un baroudeur.
Un peu par hasard et l’occasion se présentant, la moto choisie par Victor pour ce périple est une moto de fabrication belge, la FN M70 de 350cc.
Dès octobre 1937, les premieres allusions concernant ce projet apparaissent dans les courriers de Victor.
2 extraits de la lettre de Victor du 7 octobre 1937 adressée à son cousin Jean.
J’ai fait allusion, dans mes lettres précédentes, a un vague projet de retour par voie de terre.
Projet grandiose mais qui nécessite une longue préparation.
Actuellement j’ai le plaisir de te dire que c’est une chose décidée et que nous sommes trois pour réaliser ce projet.
Je n’entre pas dans de longs détails aujourd’hui, sache seulement que si je ne dois plus quitter Bruxelles, j’en aurai quand même vu plus que tous nos copains ensemble.
Et puis, mon vieux, ce qui met du beurre dans les épinards, c’est que je (nous) dispose de l’argent du voyage retour (9.000 frs environ).
Pour en venir au petit service je te demanderai de me faire parvenir le plus vite possible une carte de l’Europe (Edition Taride – Lebègue) également une carte de l’Afrique (idem) et une carte routière du Congo Belge (Edition Touring-Club) en deux feuilles.
Comme tout cela entraine des frais, je joindrai cent francs à mon mandat habituel pour les couvrir. Dans l’avenir je te demanderai encore bien des histoires pour lesquelles il te faudra de la galette.
Pour le reste ici rien de nouveau.
Sentiments affectueux,
Ton cousin Victor.
Cartouche d’une carte des éditions Lebègue
Pochette d’une carte des éditions Taride
Extrait de la lettre de Victor du 18 novembre 1937 adressée à son cousin Jean.
Mon cher Jean,
Bien reçu ta dernière lettre.
Voyage : D’accord pour la question cylindrée mais je te fais remarquer que notre intention est de prouver les possibilités des petites cylindrées pour le grand tourisme.
Ce qui m’a amené à envisager cela ?
1- Nos déplacements en vélo sur les routes et pistes (sentes) d’ici.
2- La vue des grosses motos dans l’obligation de rouler constamment en 2-ième vu l’état des routes.
Ne penses-tu pas qu’il est inutile d’avoir une grosse moto disposant d’une réserve considérable d’énergie mais qui ne pourrais servir qu’à de très rares occasions ?
Les étapes prévues, 150 à 300 km par jour (repos non compris).
Charge par moto 120 kg maximum. Vitesse normale 40 km/h.
Un autre élément qui parle en faveur de la moto légère 2 temps :
1- Simplicité mécanique
2- Maniabilité plus grande quand il s’agit de pousser et de hisser les machines au-dessus des arbres et autres obstacles qui barrent la piste.
Je voudrais qu’avant d’abandonner la 250cc tu en parles à VAN HESPEN – fait lui aussi qu’à Thrèske (diminutif de Thérèse) mes meilleures amitiés – et si c’est possible à des gens qui ont expérimenté cette moto et connaissent ses possibilités.
Passage du Soudan.
Les Anglais sont salauds !
Le passage du Soudan est possible et ils le permettent par voie d’eau et chemin de fer mais pas par les pistes existantes.
Pourquoi ?
Peut-être qu’un jour l’Italie apprendra à ses dépens ce que l’Angleterre y prépare depuis dix ans.
Extrait de la lettre de Victor du 23 décembre 1937 adressée à sa tante Henriette.
Un petit mot pour mon cousin.
A propos du voyage : j’étudie un itinéraire qui passerait par le Kivu – Lac Victoria – pour rejoindre la grande route Mombassa – Addis-Abeba – Massawa.
J’ai vu que Taride édite une carte N.E. de l’Afrique – Les Italiens ont édité une splendide de leur possession + Abyssinie – et les Anglais une carte Ouganda – Tanganyika.
Voudrais-tu voir ce qui est le plus intéressant et l’acheter (des crédits suivent).
Bien à toi mon cher Jean,
Victor
Cartouche de la Carte N° 153 des édition TARIDE – Afrique Nord-Est.
Extrait de la lettre de Victor du 18 février 1938 adressée à son cousin Jean.
Mon cher Jean,
Quelles nouvelles à Bruxelles ? Voilà un mois que je n’ai plus reçu de courrier avion.
Ma dernière lettre est restée sans réponse (je devrais dire mes lettres puisqu’il s’agit de celles que j’ai envoyé à Anderlecht et à Molenbeek) et je suis de nature assez curieuse… alors tu comprends !…
Pour rester dans la note je commence par te dire que tout marche toujours à merveille et que je n’ai rien de bien particulier à annoncer si ce n’est que je m’occupe activement de l’organisation d’une équipe de football (indigène) et que j’escompte finir par une section d’athlétisme.
Gare aux records Olympiques…
Comment va l’affaire affiliation aux B.S.B. (Boy Scouts de Belgique) ?
Par mon dernier virement je t’ai fait parvenir 100 frs pour achat cartes routières.
Les as-tu déjà reçus ?
Je voudrais que tu me réunisses une petite documentation sur la Grèce et que tu te procures une carte Asie Mineure (Grèce – Turquie – Palestine – Syrie – Egypte) routière si possible.
Et les renseignements pour les motos ?
FN vient de sortir une 350cc latérale, type Armée Belge, c.-à-d. avec amortisseur à la fourche et cadre surélevé.
Qu’en pense-t-on dans les milieux motocyclistes ?
Et voilà…j’attends.
Mes bons sentiments et de gros baisers à ma tante et bien le bonjour aux copains et passe à Molenbeek donner de mes nouvelles.
Ton cousin
Victor
Extrait de la lettre de Victor du 00 avril 1938 adressée à son cousin Jean.
Je note tes suggestions pour le retour par le Sahara mais je voudrais d’abord étudier la possibilité d’un retour par l’est (Lomami – Kivu – Ruanda – Urundi – Est Africain – Somalie – Erythrée – Egypte – etc..).
Tu peux m’envoyer la carte de l’Afrique par avion (imprimés 3 frs par 25 grammes) et les autre par courrier ordinaire.
2 extraits de la lettre de Victor du 20 mai 1938 adressée à son cousin Jean.
J’attends également la fameuse documentation motos.
En attendant voici quelques petits faits qui te permettront de prendre ma température et mes pulsations (lire préoccupation et activités)
1- Mon inséparable (le singe de Victor) est parti pour la brousse.
2- J’ai remis le cercle sportif de Wendji sur pied. Je fais partie de celui de Coq et je vais me dépenser sans compter pour réunir l’argent nécessaire à l’achèvement du stade de Coq.
3- Comme un moyen de locomotion rapide était indispensable j’ai acheté une moto (bonne occasion 1.500 frs) FN 350 Type M70 – 1936.
4- J’apporterai peut-être des modifications à mon voyage de retour parce que j’ai entrepris une étude très fouillée sur les possibilités du Congo au point de vue immigration belge.
Tu as tort de sourire, je dispose d’une documentation splendide.
La bibliothèque de Coq est une merveille.
Il est cependant possible que je t’ennuie – de temps à autre – pour quelques renseignements.
Crois-moi mon cher Jean, je suis un colon enthousiaste et si j’étais en Europe je ne crois pas que je concevrais encore un autre idéal que celui de pousser la collectivité belge vers le Congo.
Là est le salut et surtout l’avenir.
Je ne veux pas te barber plus longtemps mais si tu connais un routier (scout adulte) que la question coloniale passionne, nous pourrions peut-être échanger des idées et de la documentation avec fruit.
Avant de terminer un petit mot pour ma douce tante.
Moral : à bloc
Santé : florissante
Pronostics pour l’avenir : beau fixe
Gros baisers et à la prochaine.
Beaucoup de choses chez moi
Victor
Course de moto à Bikoro sur les rives du lac Tumba. Victor au centre sur sa FN M70 d’occasion à 1.500 frs.
Toujours à Bikoro. La voiture est un Torpedo DeSoto de 1930
Victor sur sa FN 350cc M70 – Sahara.
2 extraits de la lettre de Victor du 23 juin 1938 adressée à son cousin Jean.
Cartes Afrique du Nord et Asie Mineur.
Si l’Angleterre ne répond pas laisse tomber, momentanément cette histoire.
Je t’ai probablement déjà dit que mon camarade GEURTS a été expédié à Ikela et qu’il prolongera plus que probablement (obligation).
De ce fait je reste seul et il est possible que je doive apporter de grandes modifications à mes projets (je t’en parlerai plus loin).
Question moto. Les motocyclistes que tu as vu sont évidemment très sages et leur sentence est digne de monsieur de la Palisse.
Pour ce qui est de la FN ne fais rien. La SECLI est représentant pour le Congo de cette firme.
Note également pour ton édification, qu’il n’y a pas de matériel spécial pour le Congo parce qu’il n’y a pas lieu d’en faire.
2 xxtraits de la lettre de Victor du 24 mai 1939 adressée à sa tante Henriette.
Actuellement la grande question pour moi, mon dada dirais-je, est mon retour ou plutôt mon voyage de retour.
Je suis même très étonné qu’aucune rumeur ne soit parvenue jusqu’à toi.
MOOCK m’a écrit il n’y a pas très longtemps et je lui ai répondu en y faisant allusion.
Bref, aujourd’hui le voyage est décidé et je te prie de croire que je suis sur les dents dès maintenant et que je mets tout le monde à contribution à commencer par Jean.
Je rentre donc dans le vif du sujet pour te raconter tous ce que j’ai déjà fait dans ce domaine et ce qui me reste encore à faire.
Tu te souviens qu’il a un peu plus d’un an je rêvais d’une liaison Congo – Belgique par la vallée du Nil au moyen de moto de petite cylindrée 200cc 2 temps.
De multiples raison se sont opposées à ce projet.
1 – Mon compagnon de voyage probable (Léon GEURTS) plus disponible.
2 – Les autorités anglaises qui permettent la traversée du Soudan que sur les bateaux qui descendent le Nil.
Et pourtant je voulais faire un voyage de retour qui me permette, même seul, de voir une grande partie de notre colonie et de rentrer par la Méditerranée.
Ce n’est que quand j’ai élaboré ce projet et parlé prix que j’ai trouvé un amateur en la personne de monsieur MAUWEN (notre gérant de Basankusu).
Le jour où j’aurai tapé cet itinéraire au net je t’en enverrai un exemplaire, en attendant contente toi de connaître les grandes lignes du voyage.
Par le fleuve (bateau courrier) Coq – Lisala.
Par la route (en moto) Lisala – Bumba – Aketi – Stanleyville – Paulis – Watsa – Adranga – Irumu – Lubero – Rutshuru – Goma – Costermansville – Uvira – Usumbura – Kigali – Mbarara – Masake – Kampala (Lac Victoria) – Nairobi – Mombassa où j’embarque à destination de Marseille avec escale à Aden – Alexandrie et quelques autres patelins intéressants.
De Marseille à Bruxelles ce n’est plus qu’une promenade.
Tu vois ma tante je pense au retour, après je verrai, mais te dire maintenant je ferai ceci ou cela, impossible.
Gros baisers
Victor
Le trajet depuis Wendji-lez-Coquilathville jusqu’à Kampala.
Les différents lieux énoncés dans la lettre de victor du 24 mai 1939.
Malheureusement le retour en moto n’a pas eu lieu.
Les raisons restent inconnues.
Peut-être l’abandon de ces compagnons de voyage.
Probablement la réticence des autorités Britanniques.
Les archives de Victor ne le précisent pas.
C’est à bord du paquebot italien PIAVE que Victor embarque à Pointe-Noire le jeudi 22 février 1940 à destination de Marseille.
Photo prise le 15 juillet 1938 par un collègue monsieur Servotte. Victor note au verso “Le chef d’oeuvre de Servotte !!! Un morceau de moi et de ma moto”
Le logo de la FN – Herstal
FN 350 M70 – SAHARA
La moto de tous les coups
La Fabrique Nationale, implantée à Herstal prêt de Liège, avait déjà frappé fort avec sa M60 dotée d’un bloc moteur culbuté.
En 1923 la FN présente sa FN M70 équipée d’un moteur 4 temps de 350cc à soupapes latérales.
Quelques caractéristiques: boîte à 3 rapport commandée par levier articulé du côté droit du bloc, allumage par magnéto, carburateur AMAC, graissage sous faible pression, embrayage à disque d’acier travaillant dans l’huile, freins à tambours sur les derniers modèles.
La FN M70 pesait quelque 120 kg et atteignait une vitesse de pointe 95 km/h.
Le volant d’inertie tournant à l’extérieur était peint en rouge.
L’imagination populaire fit le reste et lui donna le surnom de “Moulin Rouge“.
Émaillé noir, filets sang, pneus ballons et repose-pied wagon pour le modèle luxe, bandages fins et repose-pied caoutchouc pour la version de base, économique, simple, robuste et fiable, la FN 350 M70, entamait une carrière qui ne s’arrêta que peu avant le deuxième conflit mondial.
Les motos vendues en France étaient montées par la MAP, Manufacture d’Armes de Paris, société liée à la FN depuis 1915.
“Moulin Rouge” devient “Sahara”
Pour répondre aux nombreux raids de Gillet Herstal, dont le Tour du Monde fut le plus fameux, FN entreprit en avril, mai et juin 1927 la traversée du désert nord-africain.
Ce fut le prologue d’un futur grand classique des années 1970-1980.
Le point de départ fut Paris, l’arrivée Dakar !
Deux militaires français, le Capitaine Jean BRUNETEAU, le Lieutenant-Colonel et radiotélégraphiste GIMIÉ et le mécanicien belge Joseph WEERENS, menèrent les motos à bonne fin.
Légèrement adaptée avec un réservoir plus important les 3 FN M70 ont, sans défaillances mécaniques, parcouru plus de 8000 km, Paris – Dakar – Paris, dont 6300 km dans le désert en passant par Oran, Reggan et Gao.
Depuis la M70 s’est vue attribuer le surnom “Sahara”.
Et comme si cela ne suffisait pas, une M70 nouvelle version à réservoir en selle, se distingua à nouveau en 1929, permettant à mademoiselle Justine TIBESSART de rejoindre Paris au départ de Saigon.