Dinsdag 18 augustus 1964 - De Mulelistes vallen Kutusongo binnen.
Woensdag 4 december 1963, Victor is terug in Congo voor een laatste ereronde !
Victor scheept in in Antwerpen op dinsdag 19 november 1963 en op woensdag 4 december 1963 zet hij voet aan wal in Boma.
Voordat hij weer Lomela bereikt, verblijft hij eerst in Stanleystad van 7 december tot 20 december 1963.
Sinds de onafhankelijkheid van Congo in 1960 hebben de kolonisten en hun activiteiten zwaar geleden onder het onstabiele economische en politieke klimaat van de jonge Republiek.
Samen met zijn vennoten, Joseph en Jean STRYPSTEIN, moet Victor de levensvatbaarheid van de het bedrijf FOMETRA kritisch onder de loep nemen.
Hetzelfde geldt voor zijn handelsonderneming DE CALUWÉ.
Wat zijn, in de huidige context van 1963, de toekomstmogelijkheden voor zelfstandige Europeanen in Congo?
Waarvan sommigen al decennialang in Congo werkzaam zijn en zodoende zowel in hun zaak als in Congo hebben geïnvesteerd.
Heeft de familie de Caluwé nog een toekomst in Congo?
Het onderhouden van een gezin in België vanuit Congo is ingewikkelde en onzekere onderneming.
Elke kans, elke financiële opportuniteit die zich aanbiedt zal Victor in aanmerking moeten nemen.
Het paspoort van Victor de Caluwé afgestempeld bij aankomst in Boma en Stanleystad.
In januari 1964 krijgt Victor een voorstel aangeboden van de heer André ARNOLDY, directeur van SANKALOM. Société Agricole et de Commerce du SANkuru – KAsai – LOMami, gevestigd in Kutusongo.
ARNOLDY is op zoek naar een boekhouder voor de SANKALOM-vestiging in Kutusongo.
Sinds het begin van het jaar 1964 hebben de Mulelisten, in het oosten van het land, een guerrillastrijd opgestart.
Het Volksbevrijdingsleger, gestuurd door Pierre MULELE, zal geleidelijk aan het centrum van Congo inpalmen.
In augustus 1964 neemt Victor de beslissing geen handgeschreven brieven meer te sturen naar Marie-Louise die sinds juli 1960 samen met 3 kinderen in België verblijft.
Drie maanden lang, van donderdag 13 augustus 1964 tot maandag 23 november 1964, gaat Victor een dagboek bijhouden en uittypen waarin de dagelijks gebeurtenissen noteert die zich in Kutusongo en op het grondgebied van Lomela afspelen.
Het eerste blad van het getypte dagboek van Victor de Caluwé – Zijn versalg start op 13 aogustus 1964 en eidigt op 23 november 1964.
Retranscription de 23 pages dactylographiés
Chère petite femme,
Depuis mon retour de Luluabourg nous vivons à nouveau une période fort troublée, les relations postales sont coupées, nous sommes virtuellement prisonniers; de là ma lettre tapée à la machine.
J’en garde une copie et je te l’enverrai plus tard si j’apprends que l’original s’est perdu.
Jeudi 13 août 1964 – Les Mulelistes sont déjà à Lodja !
Monsieur ARNOLDY était parti ce matin, en JEEP, pour Lodja.
Des rumeurs circulent que les Mulelistes et Soumialistes occupent les Territoires de Lubefu, les missions de Wembo-Nyama, Tshombe-Ste-Marie et Katako-Kombe et il est indispensable que nous sachions à quoi nous en tenir.
A 11h00 il était de retour, il avait rencontré un fuyard de Lodja, un moniteur de la COLOCOTON, et a obtenu la narration suivante:
Ils sont arrivés à Lodja vendredi 7 août.
Soldats de fortune, jeunesses racolées en cours de route avec armement allant du fusil mitrailleur au simple bâton et des camions réquisitionnés, une fois de plus, au secteur privé.
Tirant des rafales ils ont surpris et tué une quinzaine de soldats, massacré et brulé des commissaires de police et policiers et jeté en prison tout ce qu’ils ont trouvé comme fonctionnaires.
Paul AVOKI (PNP – Parti National du Progrès) serait du nombre.
Quant aux membres du gouvernement ils sont en fuite, exception faite pour le Vice-président, monsieur Louis LUMUMBA, dont le rôle serait très modérateur.
Jusqu’à présent les européens n’ont pas été inquiétés mais mis à contribution pour nourriture, argent et camions.
Ces nouvelles sont loin d’être réjouissantes et le planton d’Arnoldy se charge de répandre ces bonnes nouvelles certainement amplifiées ou plus détaillées, parmi le personnel.
S’ils sont à Lodja ils seront chez nous quand ils voudront. Nous les attendons…
Le président du parti PNP de Lomela, Paul AVOKI et son épouse – Photo prise à Lomela en 1960 dans la parcelle de Caluwé.
Vendredi 14 août 1964
Tôt au matin les travailleurs ont décoré le poste de guirlandes et de feuilles de palmiers, voulant marquer par la leur soumission au futur occupant.
Inutile de dire qu’ils ont les yeux et les oreilles braqués sur nous.
Nous leur avons dit que le travail se poursuivrait jusqu’à la limite des possibilités.
Camions, récolte du latex et argent étant nécessaire pour éviter le chômage.
Comme ils ont eu la leçon de 1961 ils semblent disposés à nous écouter et le travail se poursuit normalement.
Samedi 15 août 1964
Le camion de Tonio (Antonio MENDES) est dans le poste et j’avais fait le projet de me rendre à Lomela, d’y passer la journée avec Jean STRYPSTEIN et Tonio et le lendemain dimanche, rendre visite à la Mission St-Joseph où monsieur ARNOLDY serait venu me reprendre.
Il est 8h30 quand je quitte Kutusongo avec ma petite valise et un jambon pour les Pères.
Arrivé à Imamba un cycliste nous fait des grands signes.
C’est un type de Mendes avec un billet pour moi:
‘Mon cher Vic,
Les soldats de Lomela cherchent le moyen de transport à tout prix pour les conduire à Luluabourg.
Ils ont pris mon camion Dodge et je voudrais que cela s’arrête là.
Bien le bonjour à tout-le monde.
Bien à toi,
Tonio’
Le programme du weekend est liquidé !
A Kutusongo j’ai mon petit succès.
Pourquoi ce retour ?
Danger sur la route ?
Les Mulelistes sont-ils à Lomela ?
Non, c’est l’armée non combattante qui fuit avec armes et bagages et veut des camions à tout prix.
A la radio les nouvelles sont des plus fantaisistes, les villages changent de mains à chaque émission mais les combats semblent sérieux et ne sont pas fait pour relever ce pauvre pays.
Dimanche 16 août 1964
Toujours mes pensées vont vers toi.
J’espère de tout cœur que tu ne reçois que de vagues échos des évènements du Congo et que ton séjour au littoral aura été bénéfique pour toi et les enfants.
Ce dimanche, comme les autres se passe à faire des mokandes (écritures – papiers) des sociétés FOMETRA et DE CALUWÉ.
J’avoue que je me demande, en ce moment, si cela à un sens.
Le mieux est cependant de persévérer, il me reste si peu de mois pour mettre un point final à tout cela.
Un nouveau jeu a été lancé par monsieur EVRARD, le mécanicien, le jeu au bouchon.
On dresse un bouchon, chaque joueur y pose 5 frs, puis, d’une ligne tracée à une certaine distance, on doit essayer de renverser le bouchon avec un bouchon de fut.
Quand les pièces se répandent par terre, elles deviennent la propriété du bouchon de fut le plus proche.
Jeu tout simple et cependant d’adresse. Il a également le mérite de distraire et de rompre la tension qui est grande.
Dans le poste tout est calme, trop calme, les travailleurs n’osent plus quitter le camp et les villages des alentours se vident et que pouvons-nous faire, sinon attendre ?
Lundi 17 août 1964
ARNOLDY décide de conduire JUNCKERS à Lomami sur la rivière Lomela en aval de Loko et du confluent Lonkonia, peut-être aura-t-il l’occasion de partir de là en bateau ou canot pour Boende.
JUNCKERS est presque fin de terme et très surmené, aussi est-ce la meilleure solution.
Il y a également messieurs BALFROID et TAINE qui sont à Pelenge pour l’évacuation du coton et café sur Lomami.
Aux dernières nouvelles ils auraient eu des ennuis, question camions, avec les soldats en fuite.
Nous restons trois dans le poste. Les personnel est très nerveux et prêt à fuir à la moindre alerte.
Nous passons notre temps à leur expliquer que la meilleure chose est de rester groupé et au travail.
Que si les Mulelistes arrivent ils viendront d’abord chez nous et que la radio signale qu’ils recherchent surtout les soldats et les membres de l’administration d’accord avec le gouvernement central.
La journée, la soirée se passent sans nouvelles, la nuit est pénible, attendre en état d’alerte, chacun dans sa maison, fait souhaiter leur arrivée immédiate et une fin à cette attente.
Carte du territoire de Lomela et lieux principaux repris dans le journal de Victor.
Mardi 18 août 1964 – Les Mulelistes arrivent à Kutusongo.
La journée débute normalement et brusquement, vers 10h30, un bruit de moteurs suivi d’un silence de mort.
De ma place je ne vois rien mais les trois commis qui font face à la porte se lèvent, gris de peur.
Wapi mondélé ?
Où est le blanc ?
Ils sont là !
Je me lève et vais vers l’entrée. Un groupe de quatre combattants, en tenue semi militaire, orné de cocardes et pompons rouges et armés d’un fusil-mitrailleur et de trois fusils se trouvent devant moi.
Le chef se présente:
Louis KASENDE, Lieutenant commandant 2ème bataillon Lodja de l’Armée Populaire de Libération – APL.
Il s’est présenté en lingala et je lui adresse la parole en lingala.
‘Mbote commandant. Tolambalaki binu pocho mobimba. Lokula otali awa na Kutusongo makamba badjali te, bantu nionso badjali na mosala.
Zwi sango na radio ya Stanleyville, politique te, nionso na mosala.’
‘Bonjour Commandant. On vous attendait depuis une semaine. Comme vous voyez ici à Kutusongo il n’y pas de problème, tout le monde est au travail.
Nous avons reçu des nouvelles par radio de Stanleyville, ici il n’y pas de problème politique.’
Il me regarde attentivement, puis:
‘Mondélé naebi yo. Ngai nadjalaki mécanicien na Kutusongo na tango na monsieur PENASSE.
Yo osalaki malamu awa.’
‘Je te connais blanc, j’étais mécaniciens à Kutusongo à l’époque de monsieur PENASSE.
Tu étais bon ici.’
Pendant ce temps le reste de la troupe, ils sont une cinquantaine, s’est répandue dans le poste et occupe toutes les issues.
Que sera la suite ?
‘Magasini wapi ?’
‘Où sont les magasins ?’
Ils veulent des draps de lit, couvertures, etc.
Je les conduits au gros, dont j’ai heureusement les clés.
Autour de moi plus une âme. Je suis obligé de sortir moi-même des rayons tout ce qu’ils réquisitionnent, environ pour 25.000 frs.
Ensuite il leur faut un camion, le leur est en panne d’essieu, il nous sera donné en échange.
Malheureusement nos camions sont tous au latex et j’ai eu toutes les peines du monde à les convaincre qu’ils ne sont pas cachés et qu’ils rentreront au début de l’après-midi.
Je les conduits au garage ou EVRARD vient m’épauler en prenant en charge leur Jeep et VW, toutes deux en piteux état. Maintenant il faut du riz, de la bière et de la viande pour la troupe.
Il reste deux cartons de bière au cercle. Pour éviter les perquisitions annoncées je les fais sortir de même que du riz et des pommes de terre.
Où est la cantine les hommes de troupe veulent faire des achats.
Inutile de dire qu’ils paient le prix qu’ils estiment, en général la moitié de la valeur.
J’assiste le capita vendeur qui transpire à grosses gouttes et je note toutes les sorties.
Enfin pour terminer et puisque le Directeur n’est pas là, le Commandant veut passer chez moi.
Il est midi, je l’invite à partager mon repas mais il refuse. Je ne dois lui donner que du pain pour la route ainsi que du beurre et des sardines.
Il m’explique que lui et ses hommes sont invulnérables mais que pour le rester il ne peut toucher personne et tout ce qui leur est remis doit être déposé, et qu’ils ne peuvent manger que la nourriture préparée par eux-mêmes.
Ils sont convaincus de ce qu’ils racontent et tous nos types aussi. De là la grande terreur qu’ils inspirent.
Avant qu’il ne quitte ma maison il a encore jeté son dévolu sur mon poste de radio, indispensable dit-il pour garder le contact avec Stanleyville, Kindu et Albertville.
Il veut également le petit cadre dans lequel se trouvent les deux photos de toi et des enfants au parc. Souvenir pour mettre dans sa maison.
Nous repartons vers le bureau. Sifflet de rassemblement, cris de ralliement ‘Simba – Simba – Simba’.
La population de Kutusongo est également réunie. Je suis invité à me mettre au côté du Commandant pour entendre le petit discours qu’il va leur tenir en lingala.
‘ Ecoutez-vous tous, nous sommes l’armée populaire de libération.
Nous voulons tuer tous ceux qui ont mangé l’argent du Congo et qui sont avec Kasavubu et Léopoldville.
Ici je ne veux pas de politique, pas de troubles. Je veux tout le monde au travail comme maintenant.’
– En ce moment arrive Tonio avec son combi MERCEDES, il me rejoint auprès du Commandant-
‘ Les capitas sont responsables et doivent faire rapport à monsieur de Caluwé et au moindre trouble je viendrai.
Nous n’avons pas de bloc (prison), pas de tchop (manger) pour les prisonniers.
Notre travail est de tuer. Un coup de fusil dans l’oreille, des matitis (végétations) et de l’essence pour bruler ce qui reste.
Ecoutez encore, vous ne payerez plus d’impôts.
Nous ne voulons plus de concubinage. Un homme, une femme. Celui qui prendra la femme d’un autre se verra tué avec la femme.
La famille qui sera d’accord avec la femme qui quitte son mari sera également tuée.
Les jeunes qui n’ont pas d’argent pour payer la dote viendrons parler à monsieur de Caluwé, il s’occupera de cela.’
Ce beau discours terminé il me demande une de nos bêtes à cornes pour ses hommes.
Je lui exilique que nous n’avons jamais tué, qu’il s’agit d’un élevage mais que s’il n’y a pas moyen de faire autrement nous demandons, que le plus jeune des deux taureaux soit tué.
Tout le monde, Mulelistes, travailleurs, femmes et enfants se rendant au pâturage, les bêtes sont rabattues vers nous.
Le commandant demande un fusil, le n° 35, le meilleur.
Le taureau est à 5 mètre. Feu, une fois, deux fois, trois fois.
Le troupeau est en fuite mais une autre bête est touchée. Maintenant il demande le fusil mitrailleur, nous commençons à craindre pour tout le troupeau.
Nouvelle battue, rafale. Ce n’est pas un taureau mais les deux qui sont touchés.
Ils s’étaient mis devant les vaches et veaux pour les protéger, malgré cela une vache pleine est également blessée et doit être abattue.
Le commandant tient parole, il ne prend qu’une bête les deux autres sont pour le personnel.
Il est 5h00 du soir quand ils quittent Kutusongo non sans avoir distribués des bastonnades à gauche et à droite, toujours sous le même prétexte, pour ne pas être en possession de la carte MNC – Mouvement National Congolais.
Ce genre de recrutement est sensationnel, ils se battraient pour acheter la carte.
Le commandant m’a promis d’aller rassurer les Pères à la Mission Saint-Joseph de Eyangu avant d’aller à Lomela. Pauvre Père Léo – Léo MOYAERT – ce qu’il aura souffert ces derniers jours.
L’incertitude amplifiée par l’attente finit par avoir raison des nerfs les plus solides. J’irai les voir le plus tôt possible.
Leo MOYAERT, Père Missionnaire à la Mission Saint-Joseph de Eyangu et premier curé de Saint-Paul de Lomela.
Mercredi 19 août 1964
Au début de l’après-midi les deux JEEP rentrent de Pelenge.
ARNOLDY a naturellement appris en cours de route le passage des Mulelistes.
Nous l’avons rapidement mis au courant et puis BALFROID et le fils TAINE nous racontent leurs avatars avec les soldats fuyards auxquels ils ont finalement dû céder deux camions pour les conduire à Kole.
Ils sont cependant parvenus à charger 60 tonnes de produits à Lomami et à ramener à Pelenge pour 4 millions de tissus et vêtements.
C’est à Pelenge que nous avons le plus de chance de garder nos marchandises.
Jeudi 20 août 1964 – Réunion de territoire à Lomela avec les Mulelistes.
J’ai promis au commandant KASENDE de lui amener ARNOLDY pour discuter des mesures éventuelles à prendre.
Nous partons pour Lomela vers 8h00.
Cette fois-ci nous passons à la Mission, prendre de leurs nouvelles et enfin remettre le jambon et saucisson que je leur garde depuis plus d’une semaine.
Inutile de dire que nous sommes accueillis avec joie.
La visite du commandant a été rassurante mais il est parti avec mon ancienne PEUGEOT (tout véhicule qui roule est à eux) et voilà les Pères avec un vélo moteur pour tout moyen de déplacement.
Nous ne pouvons malheureusement pas nous attarder mais nous promettons de revenir bientôt.
Arrivé à Kalonga nous rencontrons la colonne des Mulelistes accompagnée de Jean KOYALODI, président MNC à Lomela, qui a reçu ses Nkisi (fétiches) et de ce fait ne peut plus nous donner la main, tout contact détruirait son invulnérabilité.
Ils parlent d’aller attaquer les soldats s’ils sont à Loto et d’aller à Lomami rassurer les portugais et leur demander de rester.
La réunion est remise.
A la COTONCO nous apprenons que Fabrice ELOKO, chef de poste SANKALOM à Lomela, est recherché comme PNP – Parti National du Progrès – et que tous ses biens et ses marchandises, un magasin à Lomela, ont été pillés.
Il a pris la fuite, espérons qu’il pourra rester caché pendant un petit temps.
Chez FOMETRA. Il y a également du nouveau. La compagne de Jean STRYPSTEIN a accouché d’une fille au courant de la nuit.
Le commandant l’a nommé Mulele Isabelle.
Toute la maison est remplie de femmes et de gosses, ceux de Joseph STRYPSTEIN, de Jean STRYPSTEIN et des Ndeko (famille et amis).
Tu vois l’ambiance. Jean est fatigué. Seul blanc valable de Lomela. Tous les embêtements sont pour lui.
Il nous confirme la rumeur d’une très triste nouvelle, la mort de notre ami LAW, abattu par les Mulelistes.
Voici ce que lui a raconté le chauffeur qui la conduit à l’hôpital de la mission.
– Burleigh Aubrey LAW – Missionnaire Méthodiste américain tué à Wembo Nyama le mardi 4 août 1964 –
Au moment de l’atterrissage de son avion les Mulelistes étaient déjà maître de la mission.
Dès qu’il est descendu de l’avion ils sont apparus, l’ont entouré et menacé de leurs fusils.
Il a eu un réflexe malheureux, il a repoussé l’un d’eux, un autre a tiré à bout portant. Il est mort à l’hôpital.
Est-ce ainsi ? Mais qu’importe, le pauvre LAW est mort, tué par ceux qu’il a servi toute sa vie.
Je pense à sa femme et ses enfants, je pense à vous et j’aspire à avoir le Congo définitivement derrière moi.
La Chapelle-Mémorial Kongolo de Gentinnes. La façade arbore les noms des religieux morts au Congo
Burleigh LAW, parmi les 217 victimes.
Vendredi 21 août 1964
ARNOLDY et MENDES retournent à Lomela pour cette fameuse réunion de Territoire, je ne vois pas la nécessité de les accompagner, je suis plus utile auprès du personnel.
Il y a d’ailleurs, dans le courant de la matinée un mouvement de panique dans le poste.
Un de nos travailleurs vient d’être conduit au dispensaire, il a été roué de coups à Kulumbi par deux Mulelistes qui convoyaient un camion vide, pris à DA SILVA, qui se rendait à Lomela.
La terreur qu’inspire ces gens est tellement grande que n’importe qui, orné de feuilles de palmiers et armé d’un bâton suffit à asservir tout un village.
Je m’évertue à faire comprendre au personnel que groupés et au travail la sécurité est plus grande et que fuir et vivre isolé serait une erreur pour autant qu’il ne soit pas directement visé.
Le voyage d’ARNOLDY a été inutile, les Mulelistes ne sont pas rentrés de Lomami.
Samedi 22 août 1964 – Les Congolais sont les premières victimes de ce potopote.
La journée se passe dans le calme bien que nous vivons dans l’attente et l’incertitude.
Trois fois par jour nous sommes accrochés à la radio, communiqués de Léopoldville, Brazzaville, Bruxelles, Londres et même Stanleyville.
Par recoupements nous arrivons à avoir une vue à peu près exacte de la situation, elle n’est pas brillante et si cela ne se règle pas sur le plan politique ce potopote (poto-poto, mélasse, foutoir) peut durer des mois.
Toutes ces avances et reculs ne signifient rien, des centaines de kms de brousse et forêts, des petits postes qui font des gros points sur la carte mais ne représentent rien économiquement, des opérations militaires qui sont des escarmouches avec fuites et refuites.
Le seul résultat tangible de cette aventure, dont une fois de plus ce pauvre peuple Congolais fera tous les frais, est : démantèlement de ce qui restait de l’administration, disparition de l’organisation médicale, fermeture des écoles et paralysie progressive de l’économie.
À entendre les radios du bloc communiste y compris celle de Stanleyville, la faute de tout cela revient à l’ingérence américaine, belge et occidentale (toute Colonialiste) dans les affaires intérieures du Congo et il n’est que juste que les forces populaires trouvent auprès des communistes du monde entier un appui total.
Dans ce monde les chinois se dévouent tout particulièrement et l’Afrique ne tourne pas au rouge mais au jaune.
Ce continent n’a pas fini de faire parler de lui.
Il aura la vedette pour un bon nombre d’années.
Dimanche 23 août 1964
Tout est calme.
Nous faisons acte de présence dans tous les services.
Nous savons que le personnel vit toujours dans la crainte et qu’il guette nos réactions.
Notre comportement, notre calme, notre insouciance apparente sont les meilleurs freins à leur instinct de panique.
Je pense au 23 aout de l’année passée, je me sentais heureux à cette époque, près de toi et des enfants, mais avec un an de recul cela me semble tout simplement le paradis perdu.
Si tu savais comme je décompte et combien j’aspire à te retrouver.
A 5h00 une petite partie de bouchon, à 8h00 une partie de Canasta (jeu de carte) et voilà une journée de finie.
Lundi 24 août 1964
Nouvelle alerte, un deuxième groupe de Mulelistes est signalé à Mukumari et sur la piste de Mpama.
Au dire du travailleur de l’INEAC – Institut National pour l’Etude Agronomique du Congo – qui venu annoncer la nouvelle, ils sont terribles et prêt à tuer tout le monde.
Une fois de plus nos types sont gris de peur et nous avons beaucoup de mal à les rassurer en leur disant que leur destination est Kole et qu’ils ne passeront pas ici.
Notre cuisinier Joseph SHAKO vient me trouver au bureau :
‘Monsieur j’ai quitté ma maison du camp et j’attends leur venue dans ma cuisine, s’il est vrai qu’ils veulent tuer les mondéles ils peuvent nous tuer aussi.’
Notre brave Joseph n’est pas rassuré.
Dans l’après-midi une camionnette de Lomela vient quérir MENDES.
Le commandant veut le voir et probablement le taper de l’une ou l’autre chose, il nous quitte avec sa garde d’honneur mais nullement impressionné.
De ceux de Mukumari encore aucune nouvelle.
Mardi 25 août 1964 – Des Mulelistes en panne à Mukumari.
Nouveau message de Mukumari.
La camionnette des Mulelistes est en panne ils exigent d’être dépanné d’urgence, faute de quoi ils viendront à pied et le feront durement payer.
Aucun chauffeur ni mécanicien congolais n’ose si rendre.
EVRARD et BALFROID décident d’y aller en JEEP au début de l’après-midi.
Ils partent vers 14h00 munis d’une batterie et autres accessoires de dépannage.
À 5h00 ARNOLDY et MENDES rentrent de Lomela.
De EVRARD pas de nouvelles.
Il est décidé que s’ils ne sont pas rentrés à 7h30 ARNOLDY et TAINE partiront à leur recherche et qui si eux même ne sont pas rentré à 10h00 j’irai en camion à Lomela quérir le Commandant.
Mon départ ne fut pas nécessaire.
ARNOLDY était parti comme décidé et les deux JEEP sont rentrées, à notre grand soulagement, vers 8h00.
Nous sommes tous curieux d’apprendre comment les choses se sont passées et EVRARD raconte:
Arrivé au village de Mpama nous trouvons la camionnette en panne et sommes immédiatement mis en joue par les partisans.
Il est vrai qu’avec la JEEP nous avons l’air de paras.
La clé de contact nous est enlevée et deux d’entre eux partent avec la JEEP vers Lompetu, nous restons sous la garde des deux autres.
Examen de la camionnette, mise en place de la batterie, essai, en ordre.
Nous n’avons plus qu’à attendre le retour de la JEEP d’où la perte de temps.
En partant nous avons reçu une poule et la promesse d’une visite à Kutusongo.
Mercredi 26 août 1964
La visite a eu lieu et ils ont continués sur Lomela pour rejoindre le gros de la troupe.
Vers la soirée la colonne revient de Lomela,
Un de nos camions en fait partie, ils cantonneront à Kulumbi et continueront vers Lodja demain.
Une milice locale a été recrutée et laissée à Lomela sous le commandement d’un adjudant de l’APL.
Le commandant KASENDE passe la soirée avec nous et promet de venir nous dire au revoir demain matin.
Jeudi 27 août 1964
Il tient promesse.
Il arrive vers huit heures nanti de poules et deux boucs, cadeaux pour nous, en échange des prélèvements faits à Kutusongo par l’APL
Nous nous quittons en très bons termes avec promesse de se revoir.
Vendredi 28 août 1964
Deux de nos chauffeurs viennent d’entrer à pied de Katako.
Ils ont eu leur camion réquisitionné et ce n’est qu’après la panne définitive qu’ils ont pu disparaitre dans la nature.
A Katako il y a eu beaucoup de victimes parmi les opposants au régime, nous aurons des détails plus tard.
Samedi 29 août 1964
Nous apprenons que la colonne est toujours dans les parages de Mukumari et qu’un collecteur d’impôts doublé de commerçant et de prêtrise Kibangiste a été exécuté.
Dimanche 30 août 1964 – Reprise d’Albertville par les troupes de l’ANC.
Nous apprenons la prise d’Albertville par l’ANC – Armée Nationale Congolaise.
Nous sommes surtout contents d’apprendre que tous les européens se portent bien.
Il est cependant certain que l’activité de cette région est perdue pour les mois à venir.
La récolte du coton, qui s’annonçait magnifique et qui devait ravitailler les usines, filatures et tissages de l’endroit n’a pas été faite et est perdue de même que tout le charroi qui avait été reconstitué à grands frais.
Nous apprenons également qu’il y aurait eu des accrochages à Lusambo et région Katako, cela sous toutes réserves.
Lundi 31 août 1964
ARNOLDY est à Lomela avec Tonio MENDES quand les jeunesses viennent réquisitionner une de nos JEEP.
Nous essayons de parlementer mais rien n’y fait.
EVRARD décide de la conduire lui-même jusque Lomela, ainsi il sera possible de contacter ARNOLDY et KOYALODI et peut-être la récupérer.
Les choses se passent ainsi et notre JEEP nous est remise, pour combien de temps ?
Mardi 1 septembre 1964 – Radio Léo annonce la reprise de Lodja par l’ANC !?
La radio de Léo annonce la prise de Lodja.
Si cela est exact nous pouvons nous attendre à des remous.
A Lomela les bateaux sont arrivés et nous expédions le tracteur pour le déchargement
Mercredi 2 septembre 1964
Messieurs ARNOLDY et BALFROID partent pour Pelenge.
Ce poste est sans européen depuis le début de l’année et des inspections et mise à jour périodiques sont indispensables bien que l’usine à caoutchouc soit arrêtée faute de camions.
Vers 5h00 un camion rouge entre dans le poste !
Cette fois-ci ce ne sont pas des Mulelistes mais trois congolais de Stan qui viennent de Lodja et tentent de rentrer à Stan.
Ils avaient un chargement de marchandises, que le propriétaire accompagnait d’ailleurs.
Ils sont tombés sur un groupe de Simbas, le commerçant a pris la fuite et ses marchandises ont été saisies.
Après avoir circulé plusieurs jours avec le camion ils ont obtenu l’autorisation de partir.
Le commandant KASENDE leur a remis une lettre pour moi ainsi qu’un poste émetteur destiné à servir de liaison entre Kutusongo et Lodja.
Je connais les ennuis qu’engendre la possession d’un tel appareil et je le fais suivre sur Lomela pour monsieur KOYALODI, président MNC Lumumba.
Nous demandons confirmation du retour des soldats ANC à Lodja.
C’est faux mais l’armée populaire a subi des revers à Bena-Dibele.
Ils avaient pris le poste et fêtaient leur victoire quand, à la tombée du jour, des soldats les ont surpris et mitraillés à bout portant.
Ces militaires ANC n’étaient pas en route pour reconquérir Lodja mais se taillaient un chemin vers le bac pour fuir vers Luluabourg.
Jeudi 3 septembre 1964
Première visite des recrues de Lomela.
Ces fameuses jeunesses composées des chômeurs et de la racaille qui trainent depuis 1960 sans jamais avoir travaillé et auxquels on a promis une solde de 2.500 frs par semaine.
La plupart de ces gaillards sont d’origine Batetela Katako et Lubefu.
Les feuilles de palmiers qu’ils portent en Sautoir et à la ceinture, le bonnet en peau de singe ou de civette, les lances et bâtons dont ils sont armés inspirent la crainte et nos travailleurs sont terrorisés.
Il est vrai que les bâtons entrent en jeu pour un oui ou un non.
Ils sont venu à la recherche de Patrice ELOKO considéré comme PNP, il se cache en forêt et reste introuvable.
Nous arrivons à les amadouer en donnant un petit cochon en cadeau et les voilà partis pour aujourd’hui.
Jeunes recrues Mulelistes avec bonnet en peau de singe et bâtons
Vendredi 4 septembre 1964
Messieurs ARNOLDY et BALFROID rentrent de Pelenge avec deux camions ramenés de là-bas chargés de marchandises venant de Lomami.
Il s’agit de ballots de vêtements usagés et de tissus.
Maintenant que nous sommes coupés du reste du Congo ces marchandises nous procureront l’argent pour payer la main d’œuvre.
Nous sommes également parvenus à embarquer 120 tonnes de caoutchouc et café à Lomela et 60 tonnes à Lomami, c’est un résultat inespéré.
Samedi 5 septembre 1964
Moïse TSHOMBE est parti pour Addis-Abeba.
Nous espérons qu’un compromis entre Léo et Stan sortira de cette rencontre de l’O.U.A. – Organisation de l’Unité Africaine.
Le temps nous semble de plus en plus long et aucune solution ne pointe à l’horizon.
Nos camions récoltent toujours le latex mais les quantités diminuent sans cesse.
Les villageois se méfient et se réfugient progressivement en forêt, abandonnant les villages le longs des routes et les blocs d’hévéas.
Je les comprends, rester au village signifie confiscation de leurs poules et chèvres et bastonnades en payement.
Dimanche 6 septembre 1964
Pour remonter le moral de notre main d’œuvre nous avons organisés des jeux populaires et invités des groupes de danseurs des villages voisins.
Le tout doté de nombreux prix : chemises, pantalons, vestons, pullovers usagés mais en très bon état.
Ce fut un succès et une bonne journée pour tous.
Lundi 7 septembre 1964
Nous nous trouvons devant un sérieux problème.
La poursuite de nos activités au cours des semaines, peut-être des mois à venir, est subordonnée aux payements des salaires du personnel.
Coupé de tout contact avec l’extérieur il nous faut durer le plus longtemps possible.
Nous avons des marchandises destinées au troc, en échange de produits, mais nous avons décidés de vendre à crédit aux travailleurs.
Cette formule leur permettra d’acquérir tissus femmes, pantalons et vestons à bon compte tout en réduisant nos sorties numéraire en fin de mois.
La formule est acceptée avec enthousiasme et la distribution commence.
A la radio aucune nouvelle.
De Lomela non plus !
Mardi 8 septembre 1964
La mise en vente a fait du bruit dans les villages de la région.
Planteurs et petits commerçants affluent avec l’espoir de pouvoir acheter.
Ils reçoivent satisfaction, il est plus facile de cacher de l’argent que des marchandises.
Le magasin de gros ne désempli pas de toute la journée
Mercredi 9 septembre 1964 – Kole est-il tombé aux mains de Mulelistes ?
La rumeur circule que les Mulelistes sont parvenus à s’emparer de Kole.
Vrai, cette nouvelle serait désastreuse.
Kole dispose d’une plaine stratégique accessible au DC-3 et de base de concentration de l’ANC pour les futures opérations au Sankuru.
Jeudi 10 septembre 1964
ELOKO Patrice est sorti de forêt.
Il se cachait depuis le début des troubles.
Accusé d’être un PNP et un des leaders de l’opposition aux Batétélas à Lomela, s’il était tombé aux mains des Simbas au cours des premiers jours il aurait perdu la vie.
Depuis lors nous avons discuté avec Jean KOYALODY et reçu l’assurance qu’il ne lui serait fait aucun mal à condition qu’il renonce, pour l’avenir, à toute activité politique.
Monsieur ARNOLDY le conduira à Lomela demain.
Vendredi 11 septembre 1964 – Boende est tombé aux mains de Mulelistes.
Mauvaise nouvelle !
Boende est tombé aux mains de l’APL. De ce fait toute évacuation de produits est exclue, Dieu sait pour combien de temps.
Monsieur ARNOLDY est parti à Lomela avec ELOKO et le fils TAINE.
TAINE restera à Lomela pour l’installation de l’usine à café. Il vivra ainsi aux côtés de son père et de Jean STRYPSTEIN.
Nous pensons souvent à Jean, perdu au milieu de cette foule hurlante du matin au soir.
Dérangé à longueur de journée et même la nuit pour le dépannage des camions, toujours sous la menace de représailles en cas de revers.
Je reçois la visite de LONGANGUA Alphonse, mon ex-capita de Tshula.
Depuis 1961 il essaie de faire commerce à son compte.
Son fils ainé vient de terminer ses Humanités gréco-latines avec grande distinction au Collège St-Louis de Luluabourg et avait une bourse d’étude pour l’université de Louvain.
Le voilà bloqué.
Aura-t-il encore l’occasion de reprendre ses études?
Pour LONGANGUA je suis parvenu à le faire agréer comme consignataire et acheteur pour la SANKALOM à Tshula.
En clair il sera capita avec contrôle mensuel.
Il a soupé avec moi et m’a parlé du passage des Mulelistes sur la route de Loto.
Réquisitions, amendes, bastonnades, la méthode de terreur classique et toujours le même objectif, destruction de l’autorité établie.
Samedi 12 septembre 1964
Des communiqués de la radio annoncent l’évacuation de la population européenne de Coquilhatville mais ajoutent que des mesures sont prises pour la défense à outrance de la ville.
Il semble que notre libération ne soit pas pour demain.
Nous poursuivons la vente de marchandises à un rythme accéléré, il nous faut de l’argent.
Dimanche 13 septembre 1964 – Nous allons reconstruire le monde !
Vers 4h00 un camion de Simbas venant de Lodja nous amène le ménage PINTO et notre nouveau mécanicien ainsi que monsieur NUYTS, bloqués à Lodja depuis la prise de Lodja.
Ils ne sont pas brillants. Amaigris, l’aspect égaré on peut se rendre compte que depuis plus d’un mois ils vivent sous tension nerveuse permanente.
Les Mulelistes exigent du logement.
La maison de direction, devenue cercle leur est assignée comme logement.
Depuis ce jour cette maison est devenue le logement permanent des troupes de passage à Kutusongo.
Le ménage PINTO était logé chez HEAMALULU et NUYTS à la M.A.S. – Messagerie Automobile du Sankuru.
PINTO raconte :
‘Un délégué des Affaires Economiques du gouvernement populaire est venu de Kindu et a fait procéder à une diminution des prix de toutes les marchandises, dans tous les magasins, de l’ordre de 80% avec mise en vente immédiate aux forces de l’APL et leurs partisans.’
Façon élégante de piller sous une étiquette officielle. Tous les magasins sont vides.
Il ne reste rien.
Joseph STRYPSTEIN m’a écrit un petit mot disant que la COLOCOTON n’a plus rien.
Ni camions, ni marchandises, ni argent.
La firme ALLAERT, CADEC et toutes les autres sont dans le même cas.
Et dire que ces gaillards chantent :
‘Lumunba asalaki Congo – Kasavubu abamati Congo – Tshombe abebisi Congo – Bisu tokobongisa mokiri.’
‘Lumumba a fait le Congo – Kasavubu a monté le Congo – Tshombé a abimé le Congo – Nous allons reconstruire le monde.’
NUYTS lui a souffert le plus de l’intrusion des jeunesses dans les maisons.
Ils faisaient irruption partout, jusque dans la salle de bain, à toute heure du jour et de la nuit.
Interdiction de fermer les maisons et obligation d’obéissance immédiate a tout ordre.
Il ajoute qu’il n’y a pas eu de sévices à l’égard des européens.
Dans la soirée ont vient nous avertir que la ménagère de JONCKERS, enceinte de 7 mois, a été réquisitionnée avec d’autres femmes pour tenir compagnie à ces messieurs.
Nous essayons d’intervenir mais rien à faire…
Soldats Simba Maï – photo Associated Press..
Lundi 14 septembre 1964 – Lodja est liberé par les forces de l’ANC.
La radio de Léo annonce la libération de Lodja et au même moment la VW arrive de là.
Encore un bobard de dimension ?
Si toutes les autres nouvelles sont à l’avenant nous sommes bien.
La VW poursuit son chemin vers Lomela.
Elle repassera demain matin nous donner des nouvelles.
Mardi 15 septembre 1964
Camion et VW repassent en route vers Lodja. Nouvelles de Lomela ?
Un soldat sorti de la forêt a été arrêté au bac et fusillé.
Les européens se portent bien et le Père Léo est allé à Lomela dimanche passé faire la messe.
KOYALODI avait envoyé sa voiture le prendre à la Mission.
Mercredi 16 septembre 1964
Tonio MENDES vient de recevoir une lettre de KANDOLO, son Capita à Ikela, même opération diminutions et ventes forcées dans tous le Territoire de Ikela.
Nous savons qu’en finale cela permet d’espérer une récupération de 10% de la valeur des stocks.
Tonio est vraiment mal parti. Il avait des marchandises en dépôt à Stan.
Que sont-elles devenues?
Il avait des meubles et divers dans une maison à Boende sans espoir de récupération.
Depuis mai Léna – Helena MOURA MENDES épouse de Antonio MENDES – n’a plus eu de transfert.
Pauvre Léna que devient-elle avec ses cinq enfants au Portugal ?
Jeudi 17 septembre 1964
ARNOLDY et MENDES sont à Pelenge.
Inventaires et récupération des recettes de ventes sont le but de ce voyage éclair.
Vendredi 18 septembre 1964 – Les Simbas se préparent à Mukumari.
ARNOLDY et MENDES sont rentrés de Pelenge. 900.000 frs de recettes.
Je dispose actuellement de près de trois millions dont la plus grande partie camouflée en dehors de la chambre forte.
Une nouvelle de Lomela. Une colonne de l’APL, quatre camions, est venue d’Ikela et tient garnison à Lomela.
Cela promet du nouveau pour bientôt.
Le recrutement des jeunesses s’intensifie.
Mukumari est devenu un camp de rassemblement, ne parlons pas d’instruction mais d’initiation.
Tu as lu ‘Carnaval des Dieux’ alors tu as une petite idée des cérémonies d’initiation.
Chaque bande à son Monganga (sorcier), les Nkisi (statuette fétiche) viennent de Stan où c’est une vieille sorcière qui les prépare.
Une incision est faite au front et enduite de cette mixture, une autre est à absorber. Enfin une série de tabous sont imposés.
Défense de tout contact avec les femmes, même pour préparer la nourriture, défense de se faire toucher ou d’accepter quelqu’un étranger au Simbas.
Obligation de tuer et de manger le jour même la viande et d’autres que j’ignore.
Si tous ces tabous sont respectés l’invulnérabilité est garantie et ils y croient dur comme fer.
Si au cours d’un combat il y a des morts et des blessés et bien ce sont des contrevenants aux tabous et ils n’ont que ce qu’ils méritent.
Carnaval des Dieux – Roman de Robert RUARK – 1955
Le Carnaval de Dieux – Film d’après le roman de Robert RUARK – 1957
Samedi 19 septembre 1964
Mon ancienne PEUGEOT, toujours entre les mains de l’APL, vient de passer en trombe, venant de Lodja, en direction de Lomela.
Le brave Père Léo avait peur de s’en servir, maintenant elle roule nuit et jour et à quelle allure.
Que peut-il se passer ?
La PEUGEOT 403 de Victor – Photo prise en 1960 avec Jean STRYPSTEIN.
Attendons… mais c’est pénible et certains d’entre nous commencent à accuser une grande fatigue nerveuse.
Heureusement j’ai de LARGACTIL à distribuer (médicament antipsychotique).
LARGACTIL, dévelopé en 1950 par les laboratoires de Rhône Poulenc.
Dimanche 20 septembre 1964
J’ai l’impression que même l’armée populaire respecte le repos dominical.
Dans le poste pas une âme, pas un bruit une partie de bouchon le matin, une autre l’après-midi, surtout pour montrer à ceux qui nous épient que nous n’avons aucune intention de fuite.
Si cette conviction parvenait à s’ancrer dans leur esprit ce serait la fin de la SANKALOM.
Ils restent parce que nous sommes là et seule notre présence évite un pillage certain.
Lundi 21 septembre 1964
Nous apprenons que l’opération liquidation a commencée à Lomela et que je n’ai jamais autant vendu.
Pas étonnant, il y a de quoi !
Les sardines de 20 frs à 7 frs.
Couvertures de 700 frs à 70 frs.
Souliers basket de 350 à 50 frs etc.
En plus de cela au moment du payement ils donnent ce qu’ils veulent. Il y en a qui ont payé avec des Bons-pour.
Leur passage à Kutusongo est prévu pour demain.
Mardi 22 septembre 1964
Tonio est venu me demander, à titre bénévole, du travail à la comptabilité.
L’inaction lui pèse et le travail est un dérivatif puissant.
Je le mets à des vérifications de documents venant de l’intérieur.
Ces messieurs de Stan viennent d’arriver.
Une camionnette avec un Lieutenant, l’Agent Territorial Adjoint de Lomela monsieur ONANKOY et le secrétaire trésorier du MNC, KASONGO Jacques, un ancien capita DE CALUWÉ et clerc LIEVENS.
L’objet de la visite est connu.
Ils passeront d’abord à l’INEAC, visiter tous les magasins de la route et viendrons démarquer les marchandises et vendre demain matin.
Tonio connait ce Lieutenant. Il a été chef de détachement de l’ANC à Ikela.
L’ATA – Agent Territorial Adjoint, ONANKOY me glisse à l’oreille qu’il les a accompagnés pour veiller à ce que nous n’ayons pas des ennuis avec ces inconnus.
Le lieutenant retourne à Lomela mais un camion avec détachement part pour Mukumari.
C’est ce détachement qui s’occupera de nous demain matin.
Mercredi 23 septembre 1964 – Vente forcée jusqu’à épuisement des stocks !
A 8h00 du matin ils sont à pied d’œuvre et à 9h00 la vente commence.
Plus question de travailler.
Devant la cantine des centaines de types qui espèrent profiter de l’aubaine.
Le camion de l’APL se trouve devant le magasin et les marchandises intéressantes, tissus femme, vêtements hommes etc. sont embarqués au fur et à mesure de la démarque et du payement.
En finale il reste de bricoles pour les travailleurs.
Vers midi, camion rempli ils quittent Kutusongo mais nous avons instruction formelle de continuer à vendre jusqu’à épuisement des stocks et nos chers travailleurs sont là pour veiller à l’exécution de cet ordre.
13h50 – Un ronronnement dans le ciel.
Nous sortons tous de nos maisons pour voir apparaitre un avion Air Brousse qui se met à tourner en cercle autour du poste tout en perdant d l’altitude.
Nous sommes persuadés que c’est le directeur de Léo que vient en information.
Le dernier passage se fait au raz des toits et les occupants ont eu l’occasion de nous voir et de nous dénombrer.
L’avion s’éloigne. Tout le poste est en émoi et pour les travailleurs ce sont naturellement les soldats qui ont envoyé cet avion.
Ce passage provoquera certainement des réactions à Lomela.
Dans la soirée le camion de Simbas arrive de Lomela mais ne fait que traverser le poste.
Nous nous renseignons, il serait en route pour Lodja.
Plus tard dans la soirée nous apprenons qu’ils logent au secteur, à Kulumbi.
J’ai l’impression que nous les verrons demain matin.
Jeudi 24 septembre 1964 – Arrestation, interrogation et perquisition.
5h30 du matin. Le gong bat l’appel des saigneurs en plantation et des coups précipités sont frappés à ma porte.
Je me lève, j’ouvre et me trouve face à quatre Simbas aux mines patibulaires qui m’enjoignent de sortir.
Je suis en pyjama et arrive à obtenir de m’habiller sous surveillance.
Le même scénario se passe dans toutes les maisons et nous sommes réunis sur une barza (terrasse couverte).
Nous arrivons à savoir que nous cachions un émetteur, que nous avons appelé un avion pour bombarder, qu’une perquisition de toutes les maisons va avoir lieu et que de toute façon nous allons être amenés à Lomela.
A Kutusongo il n’y a jamais eu d’émetteur et maintenant il n’y en aura certainement jamais.
Les perquisitions se poursuivent mais correctement, sans aucun dommage.
Nous sommes autorisés à déjeuner et puis embarqués pour Lomela dans un de nos camions.
Quelle sera la suite de cette histoire ?
Dans quel état seront les types à Lomela ?
S’ils sont drogués et s’ils ont bu de l’alcool ils n’ont plus rien de raisonnable et tout est à craindre.
Attendons et faisons une petite prière.
A la bifurcation de la route de Loto un barrage.
Une multitude hurlante entoure le camion, brandissant des lances et des bâtons et criant ‘Manteka, Manteka.’
C’est à dire battre jusqu’à rendre mou comme du beurre.
L’adjudant qui commande le détachement ne les laisse pas approcher et nous repartons sans mal.
Au bac il vient nous parler pour nous rassurer, disant qu’il est convaincu que nous n’avons pas d’émetteur mais que nos plus grands ennemis se trouve parmi notre personnel.
En arrivant à Lomela le camion vire à droite et s’arrête devant l’ancienne maison de VERHECKE.
Même scénario qu’a la barrière de Lukulu.
Nous entrons dans la maison sous la protection de notre détachement.
Des fauteuils et des chaises nous sont avancés et n’était-ce cette meute déchainée autour de la maison nous aurions nos apaisements.
Le Président MNC, Jean KOYALODI est appelé.
Quand il arrive il nous serre main et nous explique les craintes des gens de Stan et la position de tous ceux qui nous connaissent depuis des années.
Tous les débats se déroulent en lingala et j’ai l’occasion de faire état des nombreuses années passées à Lomela par plusieurs d’entre nous et notre présence aux moments les plus difficiles en 1960 et 1961.
Réunion à huis-clos et voici leur décision.
Nous habiterons à Lomela, donnant ainsi la garantie de ne pouvoir causer aucun dommage et le leur donnant la possibilité de nous protéger contre les excès des jeunesses Mulelistes.
Je fais remarquer c’est la meilleure solution pour nous mais qu’elle sacrifie ce que le Sankuru a de plus précieux, la SANKALOM, source de richesse pour la population.
Si nous pouvions avoir une petite garnison de vrais Simbas, des soldats comme ceux qui sont venu faire la perquisition, le travail pourrait continuer à Kutusongo.
Nouvelle réunion et requête accordée.
Nous quitterons Lomela encore aujourd’hui pour Kutusongo.
Le temps d’aller voir Jean, de constituer notre escorte et nous rentrerons.
Inutile de dire que les quelques instants passés sur la barza FOMETRA avec une bonne tasse de café a été bénéfique.
Le voyage retour fut sans histoire et vers 9h00 nous installions notre garnison.
Dans mon lit je n’arrivais pas encore à croire à notre chance.
Victor à Lomela dans le Lupango FOMETRA. – Photo 1960
FOMETRA – La maison et la Barza des STRYPSTEIN et LIEVENS.
Vendredi 25 septembre 1964
On vient nous réquisitionner ce qui nous restait de camions en état de rouler ainsi que notre JEEP.
Pour la première fois depuis les évènements nous n’irons pas récolter le latex dans les villages.
Ce n’est pas qu’il y en avait encore beaucoup, l’usinage est tombé de 12.000 litres à 5.000, mais la poursuite de notre activité contribuait à inspirer confiance aux villageois et à les maintenir près de leurs villages.
Dès qu’ils ne verront plus les camions SANKALOM ils disparaitront tous en forêt.
Nos travailleurs demandent à acheter du riz.
Notre prix de revient est de 27 frs le kg le prix de vente imposé est de 3 frs le kg.
Que faire? Pour tourner la difficulté nous décidons de le donner à crédit, le payement se fera plus tard au prix normal.
Cette décision était indispensable, nos travailleurs n’ayant plus d’autre source de ravitaillement.
Et puisque nous parlons de riz sais-tu que je mange du riz tous les jours depuis plus d’un mois?
Je n’en mange pas beaucoup et je reprends ma ligne.
Samedi 26 septembre 1964 – Visite de l’Etat-major APL de Kindu.
Vers 5h00 du de l’après-midi arrive dans le poste une camionnette et une JEEP.
Les occupants se présentent: Officiers de l’Etat-major de Kindu en tournée d’inspection. Nous logerons ici et irons demain à Lomela.
Ils sont très corrects et nous posent une série de questions pour connaitre le comportement des Simbas à notre égard.
Il est certain que les ordres de Stan sont formels ’ménager les étranger’.
Ils sont mécontents d’apprendre la vente forcée de nos marchandises, cela aussi n’était pas prévu par Stan.
Mais comment contrôler ces bandes en campagne qui, d’après les plus pures traditions guerrières ont droit de pillage.
Nous recevons la confirmation d’une bien triste nouvelle.
DA SILVA, ses deux fils, les deux MENDES de la firme NOGUERA, CAUPAIN (le fils de l’ancien coiffeur de Luluabourg) et DUPONT le mécanicien de la M.A.S. – Messagerie Automobile du Sankuru – se sont enfuis de Lodja vers Kole.
Pris en chasse DUPONT a été tué et le père DA SILVA repris et ramené à Lodja.
Les autres sont parvenus à rallier Kole et de là Luluabourg.
DUPONT avait 23 ans, français ayant fait la campagne d’Algérie et fils unique.
Il était venu au Congo par esprit d’aventure, il était ici depuis quelques mois et avait laissé une fiancée enceinte en France.
Plus que jamais je reste convaincu que l’on n’échappe pas à son destin.
Dimanche 27 septembre 1964
Nos passagers quittent le poste et nous retrouvons le calme dominical mais non le calme des esprits.
Tant que nous sommes devant des situations à résoudre, que nous pouvons agir, ça va.
Mais ses périodes d’attente où l’imagination a le temps de battre la campagne, et Dieu sait si certains en ont, est des plus pénibles.
Lundi 28 septembre 1964 – Les Amours d’Hercule au cinéma ce soir.
Le passage de l’Etat-Major à Lomela a fait une malheureuse victime.
L’Administrateur assistant qui avait repris le Territoire en charge, monsieur ONANKOY a été fusillé.
Les explications sont assez vagues. Il aurait recelé des marchandises pillées, de là cette mesure.
Nous n’en croyons rien, il ne peut s’agir que d’un prétexte, nous le saurons plus tard.
ELOKO Patrice a été arrêté une nouvelle fois mais relâché contre payement, sans reçu bien entendu, de 90.000 frs.
En fin de journée ils sont de nouveau en nos murs avec trois camions de Simbas, soldats APL, de renforts pour Lodja.
Ils logent tous au cercle et viennent nous demander, j’allais aller au lit, de leur faire du cinéma.
Je vais réveiller BALFROID et nous allons passer le film ‘Les amours d’Hercule’.
Scènes de bagarre ou la population, armée de bâtons et de fourches parvient, sous la conduite d’Hercule, à culbuter les légions du Tyran.
Ils y voient leur histoire mais ce qu’ils trouvent de plus formidable, ce sont les seins de Jayne Mansfield.
Mabele denge yango !
Oh Oh mama na ngay !
Tu as vus ses seins !?
Oh là là bonne mère !
Les Amours d’Hercule – film franco-italien de 1960
Mabele na Jayne MANSFIELD.
Mardi 29 septembre 1964
Préparatifs de départ de la colonne. Les Simbas sont éparpillés dans le poste.
Ils vont de maison en maison demander à acheter des boites de sardines, harengs et Corned-Beef.
Nous en avons très peu et il n’est pas question de vendre mais nous acceptons d’échanger pour des poules, canards et chèvres.
Ils en ont, naturellement butin pris au villageois, et acceptent l’échange.
1 hareng Vico et 2 chinchards pour une poule moyenne.
12 Harengs Vico pour une Chèvre.
Les plus contents c’est nous.
Les voilà partis, en route vers le combat et la gloire.
Mercredi 30 septembre 1964
Jour de payements des salaires et malheureusement mise en congé d’une partie du personnel faute de travail.
Est-ce coïncidence ou mise à profit de la situation, des recruteurs de jeunesse sont sur place et rencontrent pas mal de succès.
Dans quelques jours nous seront embêtés par ceux qui, hier encore, étaient nos travailleurs.
Jeudi 1 Octobre 1964
Rien à signaler. Tonio travaille avec moi et est très appliqué.
Qu’il arrive à rester assis pendant des heures m’épate.
J’ai suggéré à Mr ARNOLDY d’envisager l’engagement de Tonio comme agent, plusieurs vont quitter sans esprit de retour dans le Secteur.
Les jeunes ne valent absolument rien, reste les anciens indépendants.
Je crois que ça se fera. Léna – Helena MOURA MENDES épouse de Antonio MENDES – aurait au moins de quoi vivre.
Dire qu’au mois de mai Tonio parlait déjà de l’appartement qu’il allait payer à sa femme et du congé qu’il passerait au Portugal.
Toujours vendre la peau de l’ours…
Vendredi 2 octobre 1964
Nous avions retapé un camion DEUTZ, il a roulé deux jours dans le poste et le voilà réquisitionné.
Nous voyons nos camions pour être réparés et puis en route du matin au soir avec des bandes hurlantes et chantantes.
Ils sillonnent la route de Lodja en quête de tchop (manger).
Ils ont également installé des barrages à Alanga, Mukumari, Lukulu.
Barrages pour rigoler bien entendu.
Un bambou en travers de la route.
Pas de tranchée, pas d’arbres coupés, rien comme obstacle.
Pourquoi ?
Pour ne pas entraver le passage des renforts qui vont venir de Stan.
Samedi 3 octobre 1964 – Les Mulelistes liquident 80 opposants à Katako.
Un courrier Cycliste vient d’arriver de Katako avec le rapport de KATALAY et les pièces de fin du mois d’aout.
De son rapport il résulte que toute activité est suspendue, la situation est la même qu’a Lodja et près de 80 fonctionnaires et adversaires MNC ont été liquidé.
Je te fais grâce des détails d’exécution.
Des renseignements que je possède je peux déjà déduire que la perte d’actif pour la société sera au moins de dix millions et pourra aller jusque 20.
Je ne parle pas du manque à gagner ni des frais généraux qui courent.
Dimanche 4 octobre 1964
Je viens de recevoir une lettre d’Antoine OKUNDA.
Monsieur de Caluwé,
Devant la situation que nous vivons je demande un congé de deux mois pour me retirer dans mon village?
J’attends votre réponse.
Ma réponse est partie.
Accord mais remettez les livres, comptes et clés, à monsieur Jean STRYPSTEIN.
Les derniers comptes datent du 30 juillet; pour m’éviter des soucis je considère que tout est perdu à cette date et je considère comme récupération tout ce qui pourra encore rentrer.
Lundi 5 octobre 1964
Un camion vient d’arriver de Lodja.
Les soldats sont à Onema-Otutu.
Ils viennent chercher de nouveaux renforts.
Convaincus qu’il leur suffit de crier ‘Simba maï’ pour que les obus deviennent fumée et les balles inoffensives.
Ils ont toujours le même allant et enthousiasme.
Mardi 6 octobre 1964
Rien à signaler.
La radio ne donne aucune nouvelle de notre région et de Lomela rien.
Nous attendons.
Mercredi 7 octobre 1964
Radio Léo annonce la prise de Lodja par l’ANC.
Si c’est vrai nous devons voir refluer les forces de Stan mais déjà nous supputons nos chances de libération, à condition que nous ne soyons pas évacué avant l’arrivée de l’armée.
Jeudi 8 octobre 1964
Un camion de renforts venant de Lomela avec 70 hommes environ et armement dérisoire.
Quelques mausers, des lances, arcs et flèches et bâtons.
Ils ne sont pas pressés d’aller au combat.
Il n’est que 3h00 mais ils décident de passer la nuit à Kutusonge et demandent une séance de cinéma.
Toujours le même film et le même succès.
Onema, sur la route de Lomela à Lodja.
Vendredi 9 octobre 1964 – Les Mulelistes pris en embuscade à Onema.
Ils quittent le poste vers 8h30.
Dans l’après-midi nouvel arrivage. Un petit groupe venant de Lodja.
Le chef est le frère de notre chef de garage, TAMBWA Laurent, et nous recevons des détails sur la bataille.
A l’annonce des soldats à Onema le lieutenant Louis KASENDE, dans sa VW, suivi d’un camion de Simbas s’est mis en route pour les combattre.
Sûr de leur invulnérabilité, aucune précaution à prendre, ils foncent de l’avant.
Avant Onema, une ligne droite, dans le fond, bien visible, un groupe de soldats au milieu de la route.
On les a !
Mais au moment où le camion ralenti, des hautes herbes qui bordent la route jaillissent des rafales de mitrailleuses et armes automatiques.
Les Simbas n’ont pas le temps de tirer un coup de fusil et la bataille est terminée.
Quand le gros des forces APL de Lodja se décide au combat il est trop tard.
Les soldats ont franchi le pont et le combat s’engage autour du poste.
Quelques heures de fusillades sporadiques et Lodja est occupé de même que la plaine.
Les Simbas se sont dispersés, ils se regrouperont et la guerre de guérillas reprendra dans un pays qui leur est favorable (j’entends la population).
Nous demandons à Gérome TAMBWA, c’est le nom du chef, ce qu’il compte faire.
Tenir Lomela, attendre des renforts de Stan !
Samedi 10 octobre 1964
Jean KOYALODI nous renvoie le camion DEUTZ (ex-Mendes) mais réclame un autre camion.
Nous envoyons un camion à Lomela avec des balles de coton.
Il doit revenir avec du riz paddy (riz non décortiqué) mais reviendra-t-il ?
Nous n’avons plus de stock paddy et plus de riz blanc.
Le ravitaillement des travailleurs est en cause.
Nos libérateurs le comprendront-ils ?
Dimanche 11 octobre 1964
Repos dominical, rien à signaler.
Si les soldats arrivaient en ce moment ils prendraient Lomela sans coup férir.
L’Armée Populaire de Libération n’est pas encore remise des pertes subies à Lodja.
Lundi 12 octobre 1964
Le camion n°12 part pour Lomela avec Gérome et Lambert TAMBWA.
Il s’agit toujours de riz paddy et aussi de petites coupures pour payer les avances du 15.
Mardi 13 octobre 1964
Rien à signaler.
Qui viendra en premier lieu l’ANC de Lodja ou l’APL de Stanleyville ?
Mercredi 14 octobre 1964
Notre camion rentre de Lomela sans paddy mais avec une bande des jeunesses.
Nous apprenons que les rescapés de Lodja ont rallié Lomela par ta route de Katako – Ekomakoko et que KOYALODI est parti à Stan pour chercher des renforts.
Une défaite n’étant jamais de leur faute le bruit circule à nouveau à Lomela que nous sommes en contact avec les soldats par phonie.
Attendons-nous à de nouveaux embêtements.
Ce soir, à la demande générale nouvelle séance de cinéma.
Jeudi 15 octobre 1964 – Nouvelle arrestation pour possession de radio !
Crac, ça y est !
Nouvelle arrestation et perquisition.
Cette fois-ci nous nous fâchons et exigeons une perquisition approfondie et leur suggérons de sortir tous les meubles, d’aller chercher au-dessus des plafonds et de nous amener les dénonciateurs.
A cela ils nous répondent que la phonie se trouve dans la plantation.
Nouvelle suggestion.
‘Coupez tous les arbres.’
Réponse.
‘Votre phonie est si petite que vous pouvez la cacher même en bouche.’
Et Tonio a cette boutade.
‘Ou dans notre trou du c…!’
Après une aussi longue palabre ils sont fatigués et demandent un petit cochon en échange d’une chèvre.
L’alerte est passée mais ils nous mettent en garde contre certains de nos commis qui, disent-ils, briguent nos places.
Vendredi 16 octobre 1964
La journée a été calme mais vers minuit je suis réveillé par des coups frappés à ma porte.
Je me lève en vitesse et me trouve en présence d’un Simba en armes.
Quelles nouvelles?
‘Mondélé je veux du tchop et un camion.
Je dois chercher des renforts, les villageois nous attaquent à Lukavukavu.’
Je lui donne du pain et une boite de sardines mais pour le camion j’arrive à lui faire comprendre que c’est impossible et que vu l’urgence il ferait mieux de continuer à vélo.
J’arrive à m’en débarrasser.
J’ai l’impression que s’il trouve des renforts le village passera un mauvais quart d’heure.
Samedi 17 octobre 1964
Dans la matinée notre camion n°12, toujours au service de l’APL, vient chercher du riz et les Mulelistes font leur petit commerce.
Ils ont reçu des cigarettes Albert de Stan et les vendent 15 frs pièce.
Nous devions les vendre 15 frs le paquet !
Dimanche 18 octobre 1964
Repos dominical.
Nous vivons dans l’attente des soldats, il y a 11 jours que Lodja est repris, aucune force sérieuse ne s’oppose à l’avance de l’ANC et chaque jour amplifie les pertes de l’APL.
S’ils trainent encore il ne restera rien !
Lundi 19 octobre 1964
Aucune nouvelle, même pas à la radio.
Ce sont des va et viens continuels et des embêtements pour tout et pour rien.
Le personnel est nerveux et le rendement quasi nul mais tout vaut mieux que de les abandonner à eux-mêmes.
Mardi 20 octobre 1964
Nouvelles de Lomela. Jean KOYALODI vient de revenir de Stan avec des renforts.
Quatre camions, ce qui peut faire 200 combattants.
Quel est leur plan, défendre Lomela ou reprendre l’offensive ?
Nous le saurons bientôt.
Mercredi 21 octobre 1964
Journée calme mais déprimante.
Rien ne se passe et nous savons que nous vivons les heures les plus dangereuses.
Ceux de Stan ne rêvent que de vengeance et représailles et ceux de Lodja n’arrivent toujours pas.
Jeudi 22 octobre 1964
Monsieur de Caluwé, me dit monsieur ARNOLDY, j’ai la conviction qu’il se passera quelque chose aujourd’hui.
Il avait raison !
Vers 12h10 un camion rentre dans le poste, s’arrête au garage.
De ma maison je vois les occupants, des soldats de l’APL, descendre et se disperser en se dirigeant vers les maisons.
Il y en a trois pour moi.
‘Bima’
‘Allez’
Nous devons nous rendre au bureau.
J’ai compris il s’agit de fouille ou d’arrestation, peut-être les deux.
Je retrouve mes compagnons et la séance commence.
Vous avez une phonie: cette fois ci nous l’aurons, si vous continuez à la cacher vous allez tous mourir.
Que voulez-vous répondre ?
Il y en n’a pas et il y en n’a jamais eu.
Fouillez tout et faites ce que vous voulez.
Conciliabules, conclusions: Vingt minutes pour manger et prendre quelques vêtements et en route pour Lomela.
Nous embarquons dans le camion, une carrosserie métallique, nous sommes secoués comme des pruniers et il n’est pas question de s’asseoir.
Les quelques villageois que nous rencontrons semblent consternés de nous voir.
A la bifurcation de Lukulu, barrage de jeunesses, halte de camion, ce sont nos gardiens qui sont obligés de nous défendre contre cette meute hurlante qui voudrait nous lyncher.
Passage du bac et débarquement devant la même maison que la première fois.
Le scénario est à peu près le même mais la foule à l’extérieur est bien plus menaçante.
Jean KOYALODI est obligé de sortir et, après de longues palabres arrive à les calmer.
Le conseil a décidé que nous logerons à Lomela et que le lendemain matin il sera décidé de notre sort final.
KOYALODI me conduit en compagnie de messieurs ARNOLDY, TRUYENS et NUYTS jusque chez moi et le second voyage, le reste, chez Mendes, c’est à dire MENDES, EVRARD et BALFROID.
Nous sommes gardés militairement, ce dont nous sommes très heureux et nous passons une bonne nuit.
Vendredi 23 octobre 1964
Vers 8h00 KOYALODY, le Chef d’Olua, qui fait fonction d’AT, et deux Lieutenants viennent nous aviser de la décision.
Nous retournerons sous escorte à Kutusongo.
La colonne part pour Lodja, Kutusongo servira de base de ravitaillement et de réparation pour les camions.
Voilà une décision inespérée, presque un miracle.
En aparté KOYALODI m’explique que la veille ils étaient tous drogués au chanvre et que le seul argument qu’il avait pu trouver pour nous dégager était la distribution d’une ration en argent à 500 m de là.
Jean STRYPSTEIN vient nous rejoindre, l’adjudant qui nous a arrêtés également, il se dit très content de la fin de la palabre.
Nous quittons Lomela vers 1h00 et à 5h00 nous sommes à Kutusongo.
Le reste de la colonne nous suit et vers 20h00 Kutusongo grouille de Simbas.
Nos maisons reçoivent une garde permanente et les camions quittent Kutusongo dans la nuit.
Mais avant cela et nous n’y coupons pas, séance de cinéma !
Samedi 24 octobre 1964
Nouvelle dénonciation. Nous étions parvenus à mettre une Jeep en panne en camouflant des pièces du moteur.
Le président politique, qui est resté dans le poste, nous met en demeure, de la mettre en ordre de marche pour le soir.
Il a décidé de partir pour Lodja également.
Il nous quitte vers 10h00 du soir.
Dimanche 25 octobre 1964 – Les blessés ALP à Kutusongo.
Il est 8h30 quand notre JEEP revient, s’arrête devant le dispensaire pour y déposer des blessés.
Presque immédiatement après un camion fait son apparition, chargé de combattants et encore de blessés.
Nous suivons la scène de loin, monsieur ARNOLDY est venu me rejoindre et me demande si le moment n’est pas venu de nous enfuir et cacher dans la forêt.
Cela serait à faire s’il n’y avait pas les Pères à la Mission et les européens de Lomela.
Si nous fuyons ils auront la certitude que nous sommes responsables de leurs malheurs et leur colère se passera sur ceux de Lomela.
Je propose de nous grouper et d’aller carrément jusqu’au dispensaire nous occuper des blessés.
Parmi nous le plus jeune, TRUYENS à une crise nerveuse, Tonio MENDES s’occupe de lui.
A notre arrivée au dispensaire le spectacle n’est pas beau.
Tous les lits sont occupés.
Balles dans la poitrine, pour d’autres les plus graves, dans le ventre ce qui ne pardonne pas et les moins blessés dans les bras ou jambes.
Ils se laissent panser sans aucune plainte ni cri et aussitôt après remontent ou sont portés dans la Jeep et camion pour prendre la route de Lomela.
Nous sommes étonnés de leur comportement à notre égard, c’est presque comme si nous n’existions pas.
Un second camion arrive pour reprendre les hommes valides et les ramener au combat.
Parmi eux certains se vantent d’avoir tué beaucoup d’américains, d’autre de leur invulnérabilité et des balles qu’ils ont arrêtés au passage.
Le poste a repris son calme, que sera la suite ?
Vers 11h30 voilà toute la colonne.
Pas de doute il s’agit d’une fuite. Nous reconnaissons le commandant et les deux lieutenants, tous gravement blessés et n’ayant aucune chance de s’en tirer.
Pansements et boissons. Ils sont pressés de partir, convaincus que les soldats de l’ANC sont à leur poursuite, ils partent et nous sommes toujours là, sans une égratignure ni même une menace.
C’est miraculeux et personnellement j’en remercie Dieu.
Dans le courant de l’après-midi des fuyards passent encore mais toujours pas de soldats de l’ANC.
Nous voici de nouveau dans le no man’s land.
L’expérience nous a enseigné que les congolais répugnent à se battre et même à se déplacer dans le noir aussi c’est sans trop d’appréhension que nous allons dormir.
Lundi 26 octobre 1964 – Les premiers soldats ANC à Kutusongo.
Vers 10h00 un groupe de Mulelistes fait encore irruption dans le poste et s’empare d’un camion au garage.
A les entendre les soldats sont stoppés à Mukumari et eux vont chercher des renforts à Lomela.
Ils foutent le camp tout simplement !
Le reste de la journée se passe sans histoire, notre plus grand souci est de garder le personnel au travail.
Une entreprise en activité, alors que tout le reste du pays est désertique, a toujours eu le don d’inspirer le respect.
16h45. Les voilà !
Un camion GMC double pont débouche de la plantation, nous allons au-devant d’eux, rassurés par cet accueil le camion stoppe, deux autres suivent, puis une JEEP et encore deux camions de matériel.
Les soldats ont sautés à terre, certains ont pris la position de combat, les armes automatiques braquées vers l’extérieur.
Nous faisons connaissance du commandant qui raconte l’accrochage de dimanche.
Ils savaient où les Mulelistes cantonnaient et avaient dressé une embuscade.
Au matin alors que les Mulelistes voulaient monter dans les camions ils ont ouvert le feu.
En quelques minutes il y avait des dizaines de cadavres sur la route mais parmi les Mulelistes ils y avaient des combattants aguerris dont la résistance permis aux autres camions de leur colonne de décrocher.
Ce n’est que le premier camion qui tomba aux mains des soldats de l’ANC mais il contenait toute leur réserve de munition.
Nous sommes en présence d’une compagnie, 200 hommes, divisés en 4 pelotons.
Leur armement est fantastique !
Chaque Soldat est doté du fameux fusil OTAN à 30 cartouches.
Chaque peloton à deux fusils mitrailleurs.
La compagnie dispose, d’une mitrailleuse, de deux mortiers et d’un canon sans recul.
Ils ont également leur poste émetteur de campagne, il transmettra demain matin la nouvelle de notre libération à Léo.
Et, pour ne pas changer, cinéma à la demande générale.
Mardi 27 octobre 1964 – On fera revenir les flamands si besoin !
Départ des militaires vers 9h00.
Avant de partir le commandant a tenu à faire un discours au personnel.
Il a souligné qu’ils avaient le devoir de pourchasser, de traquer les Mulelistes.
Que le Congo était indépendant depuis 1960 mais que depuis cette date il n’y avait eu que des troubles mais que maintenant s’était fini.
‘Lumumba était mort et bien mort.
Qu’il n’y avait qu’un gouvernement, celui de Léo et que si cela était nécessaire et bien on ferait revenir les flamands pour mettre de l’ordre et de la discipline.’
Pauvre homme s’il savait comme les blancs en ont soupés.
Nous lui donnons un guide et faisons de nombreuses recommandations pour ne pas trop abimer Lomela.
Le soir nous apprenons que dans toute la région, et particulièrement dans le camp des travailleurs, il y a encore des Simbas qui errent à l’aventure et sont à la recherche de nourriture.
Nous donnons instructions à nos sentinelles, qui ont sortis leurs arcs et flèches, de les faire quitter le poste.
Il faut absolument éviter les représailles de l’ANC.
Mercredi 28 octobre 1964
Deux camions de l’ANC reviennent de Lomela et sont en route pour Lodja.
Nous apprenons que Lomela a été pris sans combat la veille à 5h30, les Simbas ayant fui vers Stan.
Nous avons deux sacs de courrier à expédier et les confions aux militaires pour les remettre à la Poste à Lodja.
De moi il y a deux lettres.
Une du 8 août contenant un billet de 5.000 frs, et un petit mot de ce jour pour te rassurer sur mon sort.
Ou bien les deux sacs courriers n’arriveront pas ou bien tout arrivera à destination.
Retranscription de la petite lettre datée du 27 octobre 1964 adressée à Marie-Louise.
Chères Petite Femme,
Kutusongo est repris par l’armée depuis lundi 26 à 16h45.
Après plus de deux mois de tensions nerveuses extrêmes nous respirons enfin !
Je me porte bien et je te demande pardon pour tous les soucis que je te cause.
Je confie ce petit mot à un camion militaire qui se rend à Lodja avec l’espoir qu’il t’arrivera vite.
Tu auras beaucoup de nouvelles par la suite.
Je t’embrasse de tout mon cœur.
Tendresses à nos trois enfants et nos parents.
Ton Vic.
P.S. J’apprends à l’instant que Lomela est également repris.
Jean, Taine, Borges, Pinto sont sains et saufs ainsi que Père Léo, Père Remy et le frère à la mission de Vangu (Eyangu).
Jeudi 29 octobre 1964
Nous récupérons notre premier camion, un THAMES,
Le chauffeur a été formidable !
Sans être Muleliste il était parvenu à avoir sa mitraillette.
Il conduisait le camion lors de notre seconde arrestation et au passage de bifurcation Mission, alors que l’adjudant de Stan demandait à aller arrêter les Pères, il affirma froidement que les Pères était partis depuis longtemps.
Et le camion passa outre.
Il a pu fuir les Mulelistes avant l’arrivée des soldats, franchir la Lomela et nous rapporter son arme.
Vendredi 30 octobre 1964 – Pillage systématique de Lodja par l’ANC.
ARNOLDY, EVRARD et MENDES partent pour Lomela.
Voir ce qui se passe à la COTONCO, au centre commercial et s’il y a moyen de récupérer d’autres véhicules.
Encore un camion de l’ANC venant de Lomela et en route pour Lodja.
A bord la femme de Joseph STRYPSTEIN avec ses enfants et le dernier né, il y a 10 jours, une fille dont le nom n’est pas encore fixé.
Elle peut enfin rejoindre Lodja.
Il y a également LUPUNGU, qui a repris l’Hotel BEEK en locataire, également bloqué à Lomela au retour d’un voyage à Stan.
Il m’apprend que l’ANC à pillé tout ce qui restait à piller à Lodja et qu’ils ont fait la même chose à Lomela, aussi bien chez MENDES que chez moi.
Cela ne m’étonne en aucune façon mais j’attendrai le retour de MENDES pour être fixé.
MENDES ne rentre pas mais ARNOLDY me rapporte une lettre de Jean STRYPSTEIN qui confirme ces nouvelles.
Tu la trouveras en annexe.
Retranscription de la lettre du 29 octobre 1964 de Jean STRYPSTEIN à Victor de CALUWÉ
Cher monsieur de Caluwé
Ici à Lomela tout c’est bien passé. Pinto et sa femme ont eu une belle frousse.
Moi, Nduwa et les enfants on a été se cacher en brousse derrière la maison dans le bas.
Cela a fait pas mal de bruit, mais aucun dégâts.
Par contre le soir de leur arrivé a commencé le pillage des habitations.
A Fometra ils n’ont rien pris, mais par contre chez vous il ne reste que la glacière, au gros tout est vide, et chez Mendes c’est la même chose.
Le soir le commandant capitaine c’est fâché et demain il y aura inspection de toutes les habitations des soldats !
La femme de Joseph et ses enfants partent demain pour Lodja.
Nous attendons votre visite à Lomela.
Grand compliment à vous tous.
Si votre offre de venir passer quelques jours à Kutusongo tient toujours, j’espère venir mardi !
Jean
Samedi 31 octobre 1964
Nous avons congé aujourd’hui.
La Toussaint étant un dimanche, si je n’attendais pas Jean j’irais à la Mission mais je suis bloqué et je passe la journée à faire des mukandes (papier-administration).
Le soir pas de Jean.
Dimanche 1 novembre 1964
Dans la matinée arrivée du fils TAINE qui nous raconte la prise de Lomela.
Les soldats, conduits par notre guide, sont arrivés devant le bac vers 2h00.
Dans la parcelle OTRACO un vieux a eu la malencontreuse idée de se faufiler entre les hautes herbes.
Une rafale le tua. Ce fut la seule victime de ce jour.
Les passeurs du bac ayant fui ce furent les travailleurs SANKALOM qui passèrent les camions.
Pour couvrir ce passage les mortiers tirèrent sur Lomela et firent mouche sur les bâtiments du camp militaire.
Dans Lomela ce fut une débandade générale tout ce qui pouvait rouler partit en trompe, sauf un camion qui resta devant le bureau du territoire, moteur en marche, faute de chauffeur.
C’était le camion avec les munitions.
Les Simbas du Territoire même s’enfuirent en forêt, tout en criant à chaque pétarade leur fameux Simba Maï qui devait les rendre invulnérable.
Quand les soldats arrivèrent au Territoire ils trouvèrent, outre ce camion, une mitrailleuse lourde en batterie et un mortier de 60 qui ne tirèrent pas un coup de feu.
Lundi 2 novembre 1964
Retour de Lodja d’un camion de l’ANC remplis de Dumbas (jeunes femmes de compagnie) pour charmer les loisirs de la garnison de Lomela.
Nous espérions du courrier mais il n’y en a pas.
Quelle déception.
Mardi 3 novembre 1964 – Victor récupère sa capote de prisonnier politique !
Enfin voici MENDES et Jean STRYPSTEIN avec le camion n° 24, récupéré sur la route d’Ikela.
MENDES a ramené des bilokos (babioles) récupérés, surtout du matériel et pneus camions.
Jean me donne des précisions sur les dégâts.
Les soldats après avoir défoncés les portes se sont emparées de tout ce qui était literie, vêtements, textile, vivres et boissons et tout ce qui était vendable.
Leur butin ils le vendent aux indigènes et la monnaie obtenue ils viennent l’échanger pour des billets de 1.000 frs chez nous.
En fait pour moi ce n’est pas tellement grave.
Les Mulelistes avaient liquidé les stocks, les soldats ANC ont grappillés les restes mais il me reste le frigo, la machine à calculer, la balance Berkel, la bascule et de l’outillage
Des articles que je peux céder à la SANKALOM et qui valent bien plus que les petites choses qu’ils ont pris.
Détail amusant, le lendemain du pillage Jean a vu sur un camion ma capote du camp de concentration.
Il l’a redemandé, disant que c’était un souvenir de guerre et ils le lui ont remis.
Les soldats sont venus tuer une vache et en ont tué une seconde, ce qui fait nous avons de la viande pour tous les européens de Lomela.
Cette viande fait mon bonheur, même au riz, menu de tous les jours.
Capote de prisonnier politique dans les camps de concentration Nazis. Victor récupère la sienne.
Mercredi 4 novembre 1964
Jean STRYPSTEIN me fait part de son intention de se rendre à Léo pour y acheter les pièces qui manquent pour terminer le montage du petit MERCEDES, camion STUDEBAKER, camion GMC et voiture DOMAINE.
Ce voyage est indispensable mais j’ai peur à l’idée de laisser cette parcelle inoccupée pendant son absence qui peut être de trois semaines.
De toute manière le gros MERCEDES sera remis à la SANKALOM avant son départ.
Il retourne à Lomela avec le combi de MENDES, qu’il a retapée tant bien que mal et qui servira de véhicule de repli à lui et aux Pères en cas de nécessité.
Je ne crois pas à un retour offensif de l’ALP mais les Pères gardent des appréhensions.
Pour une fois la situation isolée de la Mission leur a rendu service.
Jeudi 5 novembre 1964
ARNOLDY et EVRARD sont partis pour Lodja.
Il s’agit de se rendre compte si nous y avons des véhicules et ce que nos 40 Tonnes de café, entreposés à la MAS, sont devenus.
ARNOLDY continuera sur Luluabourg pour y retirer six millions.
Vendredi 6 novembre 1964
Nouvelles victimes.
Le chef de Mukumari, village de Batetelas, est trouvé en possession de trois fusils et de munitions, il a en outre fourni, des hommes aux Mulelistes, il est abattu d’un coup de fusil dans la nuque.
Il a de la chance, il n’a pas vu venir le coup et est mort foudroyé.
Un autre Muleliste a été reconnu par un policier qui accompagnait les soldats et a également été abattu.
Terreur et contre terreur, les villageois restent en forêt, ils craignent surtout pour leurs biens et leurs femmes (avec raison).
Samedi 7 novembre 1964 – Jorge DA SILVA, poursuivi, capturé et mangé !
Dans l’après-midi je fais charger un camion de balles de coton pour Lomela.
Je pars loger à la Mission. J’y suis accueilli avec joie, première visite avec séjour depuis des mois.
Les Pères ont l’occasion de raconter leurs aventures, heureusement insignifiantes si l’on ne tenait pas compte de cette tension perpétuelle qui détraque les nerfs les plus solides.
Comme ils n’ont plus de radio ils ignorent totalement ce qui se passe au dehors et tout ce que je leur raconte fait sensation.
EVRARD est rentré hier soir de Lodja, voici ce qu’il en dit:
‘Lodja est complètement pillé. Les maisons sont vides.
Ce qui n’a pas été emporté a été détruit. Il reste trois européens dans le Poste. Joseph STRYPSTEIN, Jan PUTMAN et un Père.
J’oubliais ALLAERT qui venait d’arriver de Bena-Dibele où il avait été constaté le pillage de l’OTRACO, de la SANKALOM et du poste.
Pour son compte il a perdu ce qu’il avait réinvesti depuis 1962.
Contrairement à ce qui avait été dit Georges, le fils de DA SILVA, n’a pas pu s’échapper mais a été tué par des villageois et, triste détail, mangé.’
Voici en quelles circonstances les choses se sont passées.
Partis à huit de Lodja, non pas par la rivière, mais par la route, ils voulaient rejoindre Bena-Dibele par une route de l’intérieur et se frayer un chemin par la force si nécessaire.
Arrivé dans un village ils furent pris à parti par un Muleliste en armes, qui s‘y trouvait en congé.
Au lieu de parlementer, la population n’étant pas hostile, EAMALULU sortit un révolver et tira à bout portant sur le type.
Réaction immédiate des villageois qui voyant tomber un des leurs se jetèrent sur les européens.
Les deux MENDES de NOGUEIRA parvinrent à s’échapper et rejoindre Bena-Dibele.
Georges (Jorge) fut rejoint après deux jours de poursuite et se serait en hommage à son courage qu’il aurait été mangé.
Inutile de dire que le pauvre DA SILVA est prêt à en perdre la raison.
Son fils cadet, Olympio, lui est revenu dans les rangs des soldats, les armes à la main, de là toutes misères et reproches que nous vécurent au cours de la dernière période d’occupation.
Les deux Pères de Katako, dont le Père Raymond, ont été tues par les jeunesses composées d’anciens élèves de leur Mission.
Les soldats étaient déjà dans le poste, mais au cours de la nuit, la Mission qui se trouve à quelque distance a été attaquée par une bande, probablement droguée. Ils ont été tués à coups de lances et de bâtons.
Les soldats ont retrouvé les coupables et les ont brulés vifs à l’essence.
Quelle misère, pauvres populations, leur avenir est bien sombre.
Au Sankuru la technique des communistes chinois a fait merveille.
Tout ce qui était valable. Notables, fonctionnaires, police et européens influents, heureusement dans une moindre mesure, ont été détruit.
Le terrain est défrichée, la bonne graine du communisme asiatique pourrait y faire merveille et ne rencontrerait plus aucun obstacle.
Dimanche 8 novembre 1964 – Quatre Mulelistes transpersés à la baïonnette.
Je quitte la mission après la messe.
Arrivé à la COTONCO je n’y trouve que les sentinelles, heureusement je me suis fait accompagner de travailleurs de Kutusongo, ce qui me permet de faire décharger le camion rapidement.
Je passe le bac et me voici dans le poste occupé par nos protecteurs de l’ANC. Certains d’entre eux se qualifient de libérateurs !
Je vais saluer le commandant WETSHI au passage et arrive chez Jean pour le tchop (manger) de midi.
Après le diner je passe à l’opération récupération.
Toutes les portes ont été défoncées je n’ai donc pas de mal à entrer au gros ni au gite CADEC.
Je n’ai plus de literie et la grande glace a été sortie de la coiffeuse mais le frigo et le réchaud son là intacts et sont chargés sur le camion.
Au gros il reste de la quincaillerie et des paperasses. Je les charge également.
Mes vidanges existent aussi, je les cède à SANKALOM au prix brasserie de 720 frs le carton.
Vers 16h00 tout est chargé et je quitte Jean, au passage je m’arrête pour saluer PINTO qui occupe la maison du coin face au dispensaire.
Je ne suis pas sur le seuil de la maison qu’un adjudant nous appelle.
Ils viennent d’arrêter et d’exécuter 4 Mulelistes.
PINTO et moi sommes invités à aller les voir.
Je ne tiens pas du tout à ce spectacle mais impossible de refuser sans les froisser.
Quand nous arrivons au mat du drapeau, nous les trouvons couchés, tout nus, les mains liées et transpercés de coups de baïonnettes.
Ils ont été tués simultanément par 4 soldats qui, en ce moment, nettoient leurs armes.
Décidément la vie ne vaut pas cher et il n y a pas de pardon.
Un adjudant me dit :
‘Tous les soldats de l’ANC pris ont été tués le plus souvent à coups de bâtons et brulés, maintenant c’est à nous de les tuer.’
De retour vers Kutusongo est sans histoire si ce n’est le souci de ne pas démantibuler le frigo sur cette route épouvantable.
Ma présence oblige le chauffeur à rouler prudemment et nous arrivons sans casse.
Le Poste Etat à Lomela avant l’indépendance, Le 8 novembre 1964, au mat du drapeau, quatre Mulelistes sont exécutés
Lundi 9 novembre 1964
La radio annonce la prise d’Opala sans combats.
Un camion de l’ANC revient de Lodja.
Pas de courrier pour nous.
Les soldats restent loger à Kutusongo, l’ancienne maison direction est maintenant Cercle et lieu de logement pour la troupe.
Ils aiment bien Kutusongo, ils y trouvent une clientèle pour le produit de leurs larcins et la vente de leurs cigarettes Belga à 200 frs le paquet.
Mardi 10 novembre 1964
Les soldats viennent d’arrêter trois jeunes Mulelistes, des enfants de 12 à 14 ans, et le président, de la section de Mukumari.
A l’arrivée de la JEEP à Kutusongo ils ont déjà été rossé et, pour l’édification du public, les soldats veulent recommencer une séance à coups de liane, mais le président, profitant d’un instant d’inattention tente sa chance.
Il bondit dans la foule, place un sprint et disparait dans la plantation.
Le voilà sauvé, au moins pour quelques jours.
Les trois autres sont amenés à Lomela.
Mercredi 11 novembre 1964 – Fête de l’armistice, congé officiel !
Fête de l’armistice, toujours congé officiel au Congo.
Dès qu’il s’agit de congé l’unanimité se fait dans ce charmant pays.
EVRARD retourne à Lodja, reprendre ARNOLDY et conduire par la même occasion le plus jeune d’entre nous, monsieur TRUYENS, qui nous quitte pour raison de santé, les nerfs, mais tout heureux de quitter l’Afrique sans esprit de retour.
Il déclare préférer être balayeur de rue en Belgique que Chef de plantation au CONGO.
Jeudi 12 novembre 1964
Tonio est délégué à Lomela auprès du Capitaine.
Nous avons appris que l’ANC cherche à réquisitionner des camions pour aller à Luluabourg chercher de la bière.
Il faut à tout prix éviter que ce soient les nôtres, malheureusement il y en n’a pas d’autres dans le Territoire.
Nous, apprenons que le capitaine a gracié les deux plus jeunes Mulelistes et que seul le plus âgé a été passé au fil de la baïonnette.
Les soldats sont furieux- de cette clémence et ont juré que les prochains seraient tués sur place.
Vendredi 13 novembre 1964
KOYALODI est toujours activement recherché.
Il n’a pas pu rallier Stan. Sa présence a été signalée dans la forêt de la Djali, mais les soldats sont arrivés trop tard.
Maintenant il serait dans la région de Loto.
S’il se fait prendre les soldats ont jurés de le débiter et de la manger.
Le cannibalisme rituel est redevenu courant et normal.
Samedi 14 novembre 1964
Et voilà, nous sommes quittes de notre meilleur camion.
Deux pelotons de Kole avaient fait leur jonction avec ceux de Lomela et s’en retournaient à Kole quand un de leurs camions est tombé en panne à Tshula.
Notre camion était dans le secteur à la récolte du latex. Ils ont déchargé les cruches de latex et le voilà à eux, chauffeur compris, pas un mot, rien.
Nous le retrouverons un jour comme épave le long d’une route.
Dimanche 15 novembre 1964
Journée de repos, calme absolu. Je le consacre, comme tous les autres à la comptabilité FOMETRA.
Il me reste tant à faire en si peu de temps.
Lundi 16 novembre 1964
Le camion est rentré de Lodja avec ARNOLDY et EVRARD, samedi passé.
Ce fut pour nous tous une profonde déception.
J’avais préparé le voyage d’ARNOLDY avec minutie, il n’a pas réalisé le quart de son programme et le comble, est revenu sans courrier.
Il a ramené de Luluabourg quatre sacs postaux les a remis à la poste de Lodja le vendredi et s’est contenté de la promesse d’un tri le lendemain.
Quand il s’est présenté à la poste, le samedi matin, elle était fermée et le postier est resté introuvable.
Il est donc revenu sans courrier.
Mardi 17 novembre 1964
Nous sommes toujours empoisonnés par cette menace de réquisition de camions.
Nous avons stoppé nos évacuations de balles de coton sur Lomela pour éviter que les soldats n’aient l’occasion de les prendre mais cela bloque le travail normal de l’entreprise.
Nous avons alerté la direction de Léo, le Consul général de Belgique à Luluabourg et l’Etat-Major du 1er groupement à Lululabourg.
Nous voulons des laisser passer à coller sur les pares brises.
Mercredi 18 novembre 1964 – Vive l’indépendance, plus de compte à rendre !
Nous partons en force pour Lomela.
Il s’agit d’expliquer notre point de vue au capitaine et de lui faire part de la décision que nous avons prise.
Toute nouvelle réquisition de véhicule sera suivie de l’arrêt total du travail à Kutusongo.
Espérons que cette menace aura du poids.
A notre arrivée à Lomela nous apprenons la mise à mort de quatre rebelles, vrais ou faux, à Sutshe.
Les soldats ont tenu parole, ils ont été tués sur place, sans interrogatoire, sans enquête ni tribunal.
Tout cela est bien superflu, c’était bon du temps des colonialistes belges.
Vive l’indépendance, plus de compte à rendre, on tue quand on veut comme on veut.
Jeudi 19 novembre 1964
Messieurs ARNOLDY et BALFROID partent pour Pelenge.
Premier contact avec ce poste depuis les évènements.
Il a servi de Quartier Général aux Mulelistes de la région.
Des bâtiments, de l’eau courante, de l’électricité, des vivres, des marchandises et même de l’argent, un QG en or !
Espérons qu’il y aura encore quelque chose à récupérer.
Vendredi 20 novembre 1964
A 5h30 du matin les policiers de Lodja me sortent du lit pour me remettre une lettre de notre Administrateur, monsieur WAEGEMAN, qui est à Lodja et espère rencontrer monsieur ARNOLDY.
Comme ce dernier est à Pelenge et que lui-même quitte Lodja ce jour à 10h00 ce désir est irréalisable, depuis Pelenge personne ne peut arriver à Lodja en un délai aussi court.
Samedi 21 novembre 1964
Messieurs ARNOLDY et BALFROID rentrent de Pelenge. Ils ont récupéré la caisse 800.000 frs.
Le chef de poste avait vidé le coffre et caché l’argent, et ramené un lot de marchandises dédaignées par les rebelles et soldats, il s’agit de clous, seaux; bougies etc.
Les policiers ont appréhendé le Monganga (sorcier) des jeunesses de Lomela et le ramènent à Lomela.
Nous saurons plus tard le sort qu’il aura subi.
Dimanche 22 novembre 1964
Calme plat et travail de comptabilité pour ne pas changer.
Travailler le dimanche est en somme le meilleur passe-temps de la journée.
Faute de distractions les autres bricolent également dans leurs services respectifs.
Lundi 23 novembre 1964
Depuis samedi j’attends Jean STRYPSTEIN et sa smala.
Il veut et doit se rendre à Léo pour y acheter des pièces indispensables à la remise en ordre de marche de ce qu’il nous reste comme camions.
Je lui ai préparé un voyage rapide et économique.
Lomela – Lodja, en camion SANKALOM.
Lodja – Luluabourg, en avion Sankalom.
A Luluabourg, logement Sankalom.
A Léo assistance Sankalom.
Il n’arrive pas, n’écrit pas et le camion part demain matin pour Lodja.
Tant pis, occasion ratée !
Fin du journal dactylographié de Victor
Le journal dactylographié de Victor de Caluwé se termine ici, le lundi 23 novembre 1964.
Les services postaux ayant été rétablis après la reconquête de l’ANC, Victor reprend, dès novembre ’64, l’habitude d’adresser des lettres manuscrites à Marie-Louise.
Rendez-vous à Stanleyville !
Les colonnes de l’Ommegang font la jonction avec les Para-Commandos Belges à Stanleyville le 24 novembre 1964.
Mardi 24 novembre 1964
Dans la nuit du 23 au 24 novembre cinq C-130 de l’USAF décollent de Kamina avec à bord 320 Para-Commandos Belges.
Avant le lever du jour, à 200 m d’altitude, les 320 Para-Commandos sont largués en 80 secondes au-dessus de l’aéroport de Stanleyville.
Dès le contact au sol les paras se regroupent et occupent les premiers objectifs.
Les colonnes des forces terrestres, baptisées Ommegang, ont quitté Kamina le 1er novembre 1964 et convergent vers Stanleyville.
La jonction avec les Para-Commandos ce fait à heure et à temps.
Opération Dragon Rouge bat son plein.
Les otages Belges, Occidentaux et Congolais sont libérés.
Bilan de l’occupation des Mulelistes :
Le bilan des Occidentaux tués par l’APL est plus précis que celui des victimes congolaises.
Entre mai 1964 et avril 1965, trois cent nonante deux otages occidentaux, dont deux cent soixante-huit Belges, ont été froidement exécutés par les Simba dans les régions qu’ils contrôlaient.